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publique espagnole. Quant à la France telle qu’elle existe aujourd’hui, la difficulté pour elle n’est pas d’ajourner ou de hâter une reconnaissance officielle à peu près acquise déjà de fait ; le problème, assez sérieux pour les intérêts français, est de savoir ce que va devenir cette république, qui peut mettre à nos portes le double péril d’une explosion d’anarchie ou d’une recrudescence du carlisme.

Il y a un pays où la dernière révolution de l’Espagne a eu et devait avoir un retentissement particulier, c’est l’Italie. La retraite du roi Amédée a été accueillie à Rome et dans toutes les villes italiennes par les manifestations de la plus vive sympathie pour le jeune prince découronné. Les Italiens, en vérité, ne semblent pas en vouloir beaucoup aux Espagnols ; ils ont plutôt l’air de voir dans cette loyale abdication une sorte d’attestation nouvelle et parlante du caractère essentiellement libéral, constitutionnel de leur maison royale. Si ces événemens au surplus ont un intérêt politique pour l’Italie, ce n’est pas tant parce qu’ils lui rendent un prince toujours assuré de retrouver sa place dans sa patrie native, c’est parce que tout ce qui serait de nature à favoriser une réaction absolutiste, un succès du carlisme au-delà des Pyrénées, doit être nécessairement un sujet de préoccupation au-delà des Alpes, et en définitive c’est un lien de plus entre l’Italie et la France. Les partis légitimistes, français ou espagnol, ne consultent pas toujours le pape, ils se servent du moins de son nom, et dans tous leurs programmes ils font invariablement de la restauration temporelle du saint-siège le couronnement de leur propre restauration. Sur ce point aussi bien que sur tant d’autres, la France et l’Italie n’ont après tout qu’un intérêt commun, le maintien de ce qui existe dans des conditions d’équité, de respect mutuel pour toutes les convenances de situation. Le gouvernement de Versailles le sent lorsqu’il écarte les interpellations aussi bruyantes qu’inutiles des cléricaux trop zélés de l’assemblée ; le gouvernement de Rome ne le sent pas moins vivement de son côté, et la meilleure politique pour lui est toujours celle qui s’inspire de cette solidarité d’intérêts qui unit les deux pays dans les questions les plus essentielles.

Le ministère italien a sans doute, lui aussi, ses difficultés en pratiquant cette politique. On a voulu récemment lui faire une querelle parlementaire à propos de quelques cérémonies de deuil célébrées à Milan, à Florence, à Rome, pour la mort de l’empereur Napoléon III, et même une interpellation, lancée à l’improviste dans un moment où la majorité de la chambre était un peu dispersée, a failli mettre le cabinet en péril. Peu s’en est fallu qu’on n’accusât le gouvernement d’avoir toléré des manifestations malveillantes pour la république française. Puisque l’interpellation avait été acceptée, malgré l’opposition des ministres, par un vote de surprise, il a fallu la subir. Le président du conseil, M. Lanza, n’a pas eu de peine à dissiper toute cette fantasmagorie en réduisant à