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des manifestations des officiers de la milice nationale allant pérorer en pleines cortès, tantôt par des oscillations du gouvernement aboutissant à une modification ministérielle, comme si quelques inconnus de plus ou de moins dans le cabinet de la république espagnole changeaient la condition générale des choses. On voulait, à ce qu’il semble, un cabinet républicain plus homogène, on l’a obtenu à peu près. Ce qu’il faut remarquer toutefois, c’est que les nouveaux ministres n’ont été nommés qu’à un assez petit nombre de voix, car c’est l’assemblée qui nomme les ministres au scrutin. En réalité, ce gouvernement, représenté par ses chefs principaux, M. Figueras, M. Pi y Margall, M. Castelar, vit dans d’étranges perplexités, placé qu’il est entre ses partisans, qui tendent à le déborder de tous les côtés, qu’il sera peut-être obligé de réprimer un de ces jours, s’il dispose de quelque force, et les conservateurs, qui, après s’être abstenus d’abord de toute hostilité, commencent à se demander où l’on va. En un mot, c’est une confusion assez caractérisée qui se dessine et s’aggrave de jour en jour. Le gouvernement, dit-on, veut faire des élections générales à la fin de mars, et réunir une assemblée constituante au mois d’avril. Il faut qu’il vive jusque-là, il sera bien heureux si avant ce moment la crise décisive n’a point éclaté, et cette crise peut être déterminée à toute heure par des circonstances ou des incidens qui n’ont rien d’improbable, un succès des carlistes, une insurrection de démagogie, une sédition militaire, un tumulte de rue allant troubler ces cortès, qui représentent à Madrid tout ce qui reste de légalité en Espagne. Ce sont là de menaçantes éventualités contre lesquelles les bonnes intentions de quelques hommes risquent d’être bien peu efficaces.

La république espagnole triomphera-t-elle de ces difficultés intérieures qui la menacent dès sa naissance ? C’est la première condition d’existence pour elle. La seconde condition, c’est qu’elle ne mette pas en péril la sûreté de ses voisins par des agitations dangereuses ou par des propagandes irréfléchies. Malgré les protestations pacifiques de M. Castelar, déjà d’imprudentes paroles ont été prononcées au sujet du Portugal. Assurément le peuple portugais est peu enclin à se laisser gagner par les exemples de l’Espagne ; il y a plutôt une défiance invétérée, et les derniers événemens n’ont fait que provoquer dans les chambres de Lisbonne des manifestations d’attachement à la monarchie constitutionnelle, à la dynastie. On s’est empressé d’offrir tous les moyens de défense au gouvernement, qui d’ailleurs semble assez tranquille. Il peut y avoir cependant des malaises, des froissemens. Que les choses s’aggravent en Espagne, des tentatives de république ibérique peuvent se produire sous la forme de désordres stériles, mais toujours inquiétans pour l’indépendance du Portugal. C’est assez pour tenir en éveil les défiances de l’Angleterre, et peut-être aussi de quelques autres puissances de l’Europe, qui ne se hâtent pas de reconnaître la ré-