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s’est soldé jusqu’ici : l’expérience n’est pas encourageante. Le conseil municipal a pourtant insisté ; quelques-uns de ses membres sont même à diverses fois revenus à la charge et ont soutenu un débat qu’on pourrait nommer la campagne du bâtiment, avec la singulière théorie qu’un état, ou à défaut de l’état une commune, est dans l’obligation de procurer de la besogne aux bras qui en manquent. Ce n’était ni plus ni moins que le fameux droit au travail, renouvelé de 1848. Si touchée qu’elle fût de la situation des ouvriers, la majorité du conseil s’est défendue contre cette pression ; elle n’a cédé que sur un point et pour un principe moins suspect : c’est au sujet des écoles primaires. Le vote alors est devenu à peu près unanime. De nouvelles fondations ont été résolues : aux huit groupes de 1871, 5 en exercice, 3 à la veille d’y entrer, il a été ajouté 17 autres établissemens, dont 15 sont déjà ouverts ; les deux autres seront promptement aménagés. Ce sont des travaux qui se justifient, et pourtant même pour ceux-là, si urgens qu’ils soient, le poids est déjà lourd dans la balance des comptes. Les jours d’abondance sont passés, et plus on va, plus on reconnaît qu’il est plus aisé de vider les caisses que de les remplir[1].

Bien inspiré, le conseil municipal n’aura plus désormais qu’une règle de conduite : compter plus strictement que jamais, s’abstenir des dépenses, même légitimes, même profitables. Rien ne réussit aux gens qui se mettent dans la gêne. Avoir de bonnes finances, c’est l’essentiel ; le reste viendra par surcroît. Après quelques agitations qui n’ont pas duré, le conseil municipal de Paris est devenu ce qu’il devrait toujours être, la représentation indépendante d’une population qui, livrée à diverses carrières, a pourtant un besoin commun, l’ordre et la sécurité, et ne demande qu’à être honnêtement et libéralement administrée. Cette population, quoi qu’on ait pu dire, est un très bon juge des intérêts qui la touchent : ce qui l’effraie, ce sont les budgets en déficit, ce qui l’accommoderait, c’est que des budgets en excédant vinssent apporter des amortissemens imprévus qui aboutiraient ou à un amoindrissement de la dette ou à des dégrèvemens d’impôts. Ces succès vaudraient mieux que les fictions d’écritures et les raffinemens de comptabilité dont naguère on abusait tant. Pour obtenir ces budgets en excédant, trois moyens s’offrent en perspective, l’accroissement des produits par une répression plus active de la fraude qu’ont surexcitée les exagérations du tarif et dont le personnel s’est accru par l’appât inespéré et une impunité à peu près constante que lui ont ménagés les deux sièges.

  1. Rapport de M. Grêard, directeur de l’enseignement primaire, au préfet de la Seine (30 septembre 1872).