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résultant de vols, d’incendies, de faits de guerre et de charges d’occupation, tout cela évalué par des commissions départementales tantôt sur les témoignages de tiers, tantôt sur les déclarations des parties. Quoi de plus arbitraire, et le total le dit assez clairement : il ne s’agit de rien moins que de 720 millions ! Voilà à quel obstacle se heurta d’abord le projet de loi concernant la ville de Paris. Dans la commission du budget qui en a été saisie d’office, une opinion circula dont elle eut peine à se défendre, c’est que l’état ne pouvait régler ses comptes avec la ville de Paris au sujet des dommages de guerre sans les régler en même, temps avec les départemens. On devine avec quelle rapidité ce règlement simultané a fait du chemin sur les bancs de la chambre. En aucun temps ni sous aucun régime, les départemens et Paris n’ont, fait bon ménage, et les circonstances n’étaient pas de nature à modifier cette disposition habituelle des esprits. En vain quelques membres plus réfléchis faisaient-ils remarquer que les calculs de la ville étaient rigoureux, tandis que ceux des départemens auraient eu besoin d’un nouveau contrôle. Ils ajoutaient qu’à tout prendre les départemens n’avaient pas à se plaindre, et qu’avant Paris ils avaient reçu une satisfaction déjà fort raisonnable dans la loi du 6 septembre 1871. Cette loi accorde en effet un dédommagement de 100 millions à répartir plus tard entre les départemens envahis, et le remboursement immédiat de 53 millions d’impositions payées aux Allemands dans les localités autres que Paris, soit 153 millions reçus ou à recevoir. Les membres de la majorité ne se payaient pas de ces argumens ; pour eux, ce qui était réglé n’impliquait en rien ce qui restait à régler, et n’était pas un motif pour disjoindre les causes : quant aux évaluations des dommages, il n’y avait pas lieu de distinguer, force était pour les unes comme pour les autres de s’en remettre aux documens produits et de procéder par approximations.

Dans le cours de ces préliminaires, des amendemens au projet ont été présentés, un entre autres de M. Caillaux, qui a pour but de concilier, autant que possible, des intérêts prêts à se combattre ou tout au moins à se neutraliser. Pour cela, M. Caillaux fait un bloc des réclamations qui se sont élevées de part et d’autre, en réduit quelques-unes à une proportion déterminée, et les admet toutes, après justification et déduction faite des sommes déjà payées, à un remboursement en trente annuités égales et sans intérêt, à dater du 1er janvier 1874. Le seul intérêt à servir porterait, à raison de 5 pour 100, sur une somme de 22 millions payés par annuités à la ville de Paris pour les indemnités du second siège et toutes autres dépenses de guerre qu’elle réclame à l’état. L’annuité totale serait de 9,030,000 francs pour Paris et de 5,075,000 francs pour les départemens, ensemble 14,100,000 francs. Les dommages liquidés