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désigne sous le nom d’hypocéphale l’organe siège de l’intelligence et de la volonté, c’est-à-dire les deux hémisphères du cerveau, qui sont d’autant plus développés et d’autant plus lourds que l’animal est plus élevé dans l’échelle animale. L’intelligence est en raison directe du volume et du poids de cette partie du cerveau ; mais cette intelligence, pour se manifester, a besoin d’être éveillée, cultivée, exercée, perfectionnée. « Chaque individu, dit Lamarck[1], depuis l’époque de sa naissance se trouve dans un concours de circonstances qui lui sont tout à fait particulières, qui contribuent en très grande partie à le rendre ce qu’il est aux différentes époques de sa vie, et qui le mettent dans le cas d’exercer ou de ne pas exercer telle de ses facultés et telle des dispositions qu’il avait apportées en naissant ; en sorte qu’on peut dire en général que nous n’avons qu’une part bien médiocre à l’état où nous nous trouvons dans le cours de notre existence et que nous devons nos goûts, nos penchans, nos habitudes, nos passions, nos facultés, nos connaissances même aux circonstances infiniment diversifiées, mais particulières, dans lesquelles chacun de nous s’est rencontré. »

Un chapitre sur l’entendement termine la philosophie zoologique de Lamarck. Sans se dissimuler qu’il quitte le terrain des faits d’observation sur lequel repose la biologie proprement dite, il essaie d’analyser le mécanisme de la formation des idées. Le premier acte nécessaire est l’attention ou une préparation de l’organe intellectuel à recevoir des sensations que Lamarck désigne sous le nom de sensations remarquées. Ce qu’on appelle vulgairement distraction exprime un état de l’organe cérébral qui n’est pas préparé à recevoir une sensation. La pensée est une action qui s’exécute dans l’organe de l’intelligence[2], et l’énergie en est subordonnée à l’état des forces et de la santé générale de l’individu. L’imagination consiste dans la combinaison des pensées et la création d’idées nouvelles. C’est cette faculté, dit Lamarck, qui dans les sciences peut nous égarer. « Cependant, ajoute-t-il, sans imagination point de génie et sans génie point de possibilité de faire des découvertes autres que celles des faits, mais toujours sans conséquences satisfaisantes. Or, toute science n’étant qu’un corps de principes et de conséquences convenablement déduits et observés, le génie est absolument nécessaire pour poser ces principes et en tirer ces conséquences ; mais il faut qu’il soit dirigé par un jugement solide et retenu dans les limites qu’un haut degré de lumière peut seul lui imposer. » En parlant ainsi, Lamarck caractérisait parfaitement l’étude de la nature telle qu’il l’avait conçue et telle qu’elle

  1. Tome II, p. 334.
  2. Tome II, p. 368.