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habitent et non pas en vertu d’une harmonie préétablie entre cette organisation et le milieu dans lequel l’animal est destiné à se mouvoir.

Lamarck ne craint pas d’attribuer à l’air toute l’organisation des oiseaux, l’adhérence des poumons avec la colonne vertébrale, la perforation de ces poumons et la pénétration de l’air dans tout le corps de l’animal, et le développement des plumes, Toutes ces particularités sont pour lui le résultat des efforts faits par l’animal pour se soutenir dans un milieu aérien, la science ne possède pas encore assez de faits pour pouvoir démontrer directement chacune de ces assertions ; néanmoins elle nous fournit déjà quelques preuves qui permettent de prévoir qu’un jour la démonstration sera complète. L’illustre naturaliste avait remarqué que, chez les animaux qui vivent sur les arbres et qui s’élancent de l’un à l’autre, la répétition de cet exercice pendant une longue suite de générations amenait le développement d’une membrane en forme de parachute étendue de chaque côté du corps, depuis le membre antérieur jusqu’au membre, postérieur. Ainsi parmi les écureuils on en connaît maintenant sept espèces désignées sous le nom d’écureuils volans (pteromys), munies de ce parachute qui leur permet de se laisser choir sans danger du haut des arbres qu’ils habitent. Dans les marsupiaux frugivores, on distingue également un groupe (petaurus) de ces animaux australiens qui sont munis d’un parachute. Enfin chez le galéopothèque, animal intermédiaire entre les singes et les chauves-souris, ce parachute s’étend depuis le cou jusqu’à la queue et forme un véritable manteau ; en le déployant, le singe volant peut s’élancer d’un arbre à l’autre. Chez les chauves-souris, le même appareil existe ; il se complète par une véritable aile membraneuse : les os du métacarpe et les doigts, le pouce excepté, sont très longs ; une seconde membrane, se continuant avec le parachute, réunit ces os entre eux. L’animal ainsi organisé vole aussi longtemps et aussi rapidement qu’un oiseau.

Mais, dirait-on, ces faits n’expliquent en aucune façon le développement de l’aile munie de plumes telle que nous la voyons chez les oiseaux, Cela est vrai ; cependant nous ferons remarquer que les anciens anatomistes, de Blainville et d’autres, avaient déjà constaté l’étroite analogie qui unit les oiseaux aux reptiles, analogie justifiée dans les idées de Lamarck et de Darwin par l’hypothèse très probable que les oiseaux ne sont que des reptiles transformés. Il y a plus, l’histologie ou anatomie microscopique prouve que la plume de l’oiseau et l’écaille du reptile sont originairement identiques, et que la plume n’est qu’une écaille plus développée[1]. Déjà nous avons remarqué

  1. Voyez Gegenbaür, Vergleichende Anatomie, p, 585.