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organisme animal. Chez les cétacés herbivores appelés lamentins ou vaches marines, qui habitent les grands fleuves de l’Afrique et de l’Amérique, les membres se réduisent aux deux antérieurs, les postérieurs manquent complètement ; mais la queue est transformée en une puissante nageoire dont l’action mécanique est la même que celle des extrémités postérieures des phoques et des morses. La peau, épaisse, chagrinée, est garnie de poils rares, et la bouche munie de molaires plates qui sa remplacent d’arrière en avant comme celles des éléphans. Le canal intestinal est fort long, car ces animaux se nourrissent exclusivement de plantes marines. Les lamentins sont en réalité des pachydermes qui se rattachent d’un côté aux hippopotames, et de l’autre aux cétacés souffleurs tels que les dauphins et les baleines, mammifères devenus exclusivement marins.

Dans la classification des oiseaux, on comprend habituellement sous le nom d’échassiers et de palmipèdes tous ceux dont les doigts sont plus ou moins réunis par des membranes, c’est-à-dire palmés ; mais, si l’on étudie ces animaux avec plus d’attention, on reconnaît qu’on peut les considérer comme des formes aquatiques d’autres espèces terrestres[1]. Ainsi les palmipèdes longipennes, les albatros, les frégates, les cormorans, correspondent aux grands rapaces, tels que les aigles et les vautours. Les mouettes, les pétrels, sont les analogues des faucons et des milans. Les sternes ont été appelées hirondelles de mer, tant l’analogie est évidente. entre ces deux espèces. Les hérons, les cigognes, les flamans, rappellent les autruches et les casoars. Les cygnes, les oies et les canards sont d’excellons voiliers et de parfaits nageurs, la marche seule leur est difficile. Ainsi les doigts palmés, indices d’une vie essentiellement aquatique, ne sont pas liés au reste de l’organisation, ils sont uniquement le résultat d’une natation prolongée. Voici quelques exemples : parmi les oies, l’anseranas a les doigts presque libres ; le bec-en-fourreau (chionis) est une véritable mouette, mais dont les doigts ne sont pas palmés ; la poule sultane (fulica porphyria) et la bécasse aux doigts libres ressemblent singulièrement à la macreuse et à l’avocette aux doigts palmés. La cigogne et le flamant, la grèbe et le plongeon, sont des genres très voisins : les doigts sont plus ou moins libres dans les premiers, réunis dans les seconds. Enfin les manchots sont, par rapport aux autres oiseaux, ce que les phoques et les morses sont aux autres mammifères ; étant presque entièrement aquatiques, ils présentent des modifications analogues à celles des mammifères amphibies, témoin les pingouins et les manchots ; leur corps est allongé comme

  1. Lamarck, t. Ier, p. 248.