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presque austère, pensive, avec une pointe de mélancolie qui lui donne quelque chose de wertherien, avenante et gracieuse cependant comme l’est toujours l’heureuse adolescence, même lorsqu’elle, est morose et sombre. Cette élégante statue est accompagnée de quatre bas-reliefs destinés à marquer les étapes si peu nombreuses que va parcourir la prodigieuse fortune de cet enfant. Le premier nous montre le point de départ, et le sujet en a été pris dans la vie de Bonaparte à Auxonne même. Une petite chapelle s’élève en pleine campagne à quelque distance d’Auxonne ; Bonaparte en faisait un but fréquent de ses promenades. C’est au milieu de ce paysage que l’artiste l’a représenté appuyé mélancoliquement contre un chêne sous lequel il s’asseyait de préférence et auquel il a laissé son nom, le menton soutenu par la main, avec une nuance de wertherisme encore plus marquée que celle de la statue.

Que ne suis-je un berger, que ne suis-je Tityre !

Ce vers, que Théophile Gautier, dans son poème de la Comédie de la mort, fait prononcer par Napoléon lui-même pour exprimer le regret de ne pas avoir donné à sa vie un emploi pacifique, nous a été remis en mémoire par ce bas-relief, devant lequel il perd la teinte de ridicule dont il nous avait toujours paru marqué. Ce bas-relief est en effet une charmante bucolique, une idylle à un seul personnage, et, si l’on ne savait que les rêveries mélancoliques qu’atteste ce jeune visage sont celles de l’ambition anxieuse et non celles de l’amour attristé, on pourrait prendre cet adolescent pour le héros d’une mondaine pastorale à la manière du XVIIIe siècle agonisant. Le second bas-relief, plein de feu et de mouvement, est consacré à cet épisode du pont d’Arcole dont le retentissement prodigieux logea pour toujours le nom du général de l’armée d’Italie dans l’esprit des populations. C’est la guerre dans toute sa furie meurtrière sans rien d’horrible, la guerre environnée d’une splendeur d’héroïsme et de jeunesse, la déesse Bellone elle-même dans sa fleur de beauté. Quelle différence entre ce tableau de la guerre et celui que le pinceau de Gros nous représente sur le champ de bataille d’Eylau, sous la neige et l’air glacé ! Rarement on a mieux rendu ce beau soleil de gloire qui salua l’avènement de Bonaparte à la renommée. Dans le troisième bas-relief, consacré à l’étape du consulat et représentant une séance du conseil d’état présidée par Bonaparte, l’artiste a su triompher d’un sujet plus ingrat par l’heureuse disposition des groupes et la fidèle reproduction des portraits. Le quatrième, qui a eu, paraît-il, auprès des Auxonnois moins de succès que les autres, me semble le plus beau de tous. Il est consacré au couronnement. Au premier plan, Joséphine est agenouillée ; l’empereur s’est avancé vers elle, et d’un geste altier il détache la