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souverain en se faisant décerner un vote de confiance dans les chambres justement au sujet de cette nomination du général Hidalgo ; il voulait accepter la démission de tous les officiers de l’artillerie, au risque de désorganiser cette partie de l’armée. Le roi s’est senti blessé dans sa dignité, il a compris le danger qu’il pouvait y avoir à jeter dans l’armée ce ferment de désordre, et il a préféré partir. Le premier usage que les chambres ont fait de leur pouvoir a été la proclamation de la république et l’organisation d’un gouvernement où figurent les républicains les plus connus de l’Espagne, M. Figueras, M. Pi y Margall, M. Emilio Castelar.

Voilà donc une république nouvelle naissant à l’improviste au-delà des Pyrénées. On ne pouvait peut-être pas faire autrement dans l’état de profonde désorganisation où sont tous les partis monarchiques ; mais, il ne faut pas se le dissimuler, cette république se trouve en face de singulières difficultés dès sa naissance, et la première de toutes, c’est l’insurrection carliste qui a depuis un an envahi les provinces du nord, qui dans ces derniers temps a pris un caractère menaçant en Catalogne, en Navarre, dans les provinces basques. La république proclamée à Madrid risque bien de donner des forces nouvelles à cette insurrection, et pour combattre les carlistes on va se trouver avec un régime inspirant peu de confiance, avec des partis prompts à saisir l’occasion de reparaître sur la scène, avec une armée désorganisée et des finances compromises. Que la république ne soit pas le premier acte d’une guerre civile universelle au-delà des Pyrénées, c’est pour le moment tout ce qu’on peut souhaiter de mieux à l’Espagne.

Il y a des problèmes d’équilibre entre les peuples qui s’agitent un peu partout et sous toutes les formes. La reine d’Angleterre, en ouvrant ces jours derniers le parlement, faisait une allusion discrète, mais suffisamment significative, à une question de ce genre, dont la presse anglaise s’est vivement émue, dont la diplomatie elle-même s’est occupée et s’occupe encore, puisque c’est pour cela qu’un envoyé spécial du tsar, le comte Schouvalof, est allé récemment à Londres. Il est vrai qu’il ne s’agit point ici de l’Europe, il s’agit de l’Asie centrale, où la puissance anglaise et la puissance russe, toujours en conflit d’influence, s’observent depuis longtemps avec l’arrière-pensée qu’elles pourront se voir de plus près et se heurter à un moment donné.

Évidemment, c’est une grosse affaire, quoiqu’on puisse dire que c’est l’affaire de l’avenir bien plus que du présent. La question de l’avenir est de savoir quelle est l’influence ou la domination qui finira par prévaloir dans ces contrées à peine explorées, toujours agitées du centre de l’Asie, qui sont entre la Chine et la mer Caspienne, entre le Syr-Daria et la Perse, qui se débattent sous la surveillance de ces terribles voisins, les Anglais et les Russes. Depuis un siècle, l’Angleterre a sans cesse accru son empire de l’Inde ; depuis quarante ans surtout, elle a étendu ses possessions vers le nord et l’ouest, tantôt par la conquête et l’an-