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de l’ordre administratif, moral, politique, financier, dût l’esprit de parti s’y mêler parfois, qu’à se jeter dans les conflits de pouvoirs et dans toutes ces questions insolubles d’organisation définitive ou provisoire qui ne font que tenir les passions en éveil et créer une incertitude universelle. La commission des trente est aujourd’hui le grand tribunal devant lequel s’agitent ces questions insolubles, en attendant qu’elles aillent se dérouler devant l’assemblée elle-même. Or, depuis deux mois et plus qu’elle est réunie, cette commission, à quoi est-on arrivé ? Le vote du 29 novembre qui lui a donné naissance disait qu’elle devrait chercher les conditions de la responsabilité ministérielle et régler les attributions des pouvoirs publics. C’était un moyen de concilier la politique dont la commission Kerdrel avait été l’expression trop accentuée et la politique du gouvernement, qui croyait nécessaire de ne pas se borner à une question unique, de donner à la situation actuelle la garantie d’une organisation plus complète, mieux définie. Malheureusement la difficulté consistait à découvrir le point de jonction de ces deux politiques, à résoudre un problème déjà fort épineux et aggravé par toutes les arrière-pensées, par tous les sous-entendus qui se cachaient sous le vague même des expressions. A-t-on réussi par le fait à trouver les conditions vraies de cette responsabilité ministérielle qu’on veut fonder ? A-t-on songé sérieusement à délimiter la sphère respective et les attributions des pouvoirs publics ? Est-on parvenu enfin à opérer une transaction entre la majorité et le gouvernement ?

Certes cette œuvre de la commission, des trente est une des choses les plus curieuses qui existent. On a commencé d’abord par s’observer, la commission paraissant attendre ce que M. le président de la république pourrait proposer, le gouvernement de son côté attendant que la commission dévoilât ses intentions. On s’est mis peu à peu à discuter ; on a cheminé péniblement, laborieusement, à travers les complications qu’on se créait le plus souvent à soi-même. La commission a cédé un peu, résisté beaucoup et dissimulé ses réserves sous un appareil de dispositions et d’amendemens, conçus de façon à rendre à peu près impossible ou illusoire ce qu’on a l’air de faire. M. le président de la république est allé exposer ses idées, ses préoccupations ; il a parlé avec sa familière et spirituelle habileté, en homme qui sonde le terrain, qui sait mêler la franchise à la finesse, l’esprit de conciliation à une certaine ténacité, et en fin de compte on est peut-être moins avancé que le premier jour. On a trouvé le moyen de faire l’œuvre la plus étrange du monde, une œuvre incohérente, puérile et inefficace, parce qu’elle se ressent d’une méfiance mutuelle, parce qu’elle s’est accomplie au milieu des préventions, des susceptibilités, des excitations de l’esprit de parti, représenté dans la commission sans nul doute, et toujours aux aguets autour de cette réunion des trente pour envenimer les choses les plus simples par les in-