Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/966

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec une sévère et impartiale fermeté. Cette dictature, née du 4 septembre, établie à Lyon, à côté du préfet, fonctionnant le plus souvent contre lui ou au-dessus de lui, ne s’est pas contentée d’arborer un drapeau qui n’était pas le drapeau français, qui n’avait qu’une signification révolutionnaire ; elle s’est livrée à toute sorte de dépenses fantastiques. Il s’agit aujourd’hui de savoir par qui ces dépenses seront supportées, si l’état paiera les frais de la démagogie lyonnaise. La commission a fait équitablement deux parts en distinguant les dépenses qui pouvaient être justifiées de celles qui ne pouvaient être admises, et en proposant de renvoyer la question ainsi posée au gouvernement chargé de l’examiner, de soutenir au besoin les droits de l’état. C’était au début une affaire de marchés ; bientôt, on le comprend, la politique s’en est mêlée, les passions se sont animées, les récriminations, les apostrophes, ont jailli comme des éclairs de la droite et de la gauche. L’ancien préfet, qu’on n’avait pourtant pas traité trop sévèrement parce qu’il avait été lui-même le prisonnier des démagogues lyonnais, M. Challemel-Lacour, a cru devoir se défendre, et il a fini par rester exposé à l’accusation la plus grave, celle d’avoir donné l’ordre sommaire de fusiller des mobiles de la Gironde commandés par M. de Carayon-Latour. Un ancien membre du conseil de Lyon, M. Ferrouillat, s’est défendu, lui aussi, longuement, compendieusement. Le rapporteur de la commission, M. L. de Ségur, a maintenu avec une habile modération tout ce qu’il avait dit. M. le duc d’Audiffret-Pasquier lui-même s’est porté au feu, reprenant une offensive hardie. Bref, sur toute la ligne, la politique l’a emporté, et une discussion de finances s’est terminée par le vote d’un ordre du jour dont le premier mot est la réprobation du drapeau rouge arboré à Lyon pendant la guerre. Ce vote, il faut le dire, a réuni plus de 500 voix. Le drapeau rouge a été abattu d’un coup de scrutin tout comme s’il flottait encore sur l’hôtel de ville de Lyon.

Rien de mieux, l’assemblée a voulu, puisqu’elle en trouvait l’occasion, frapper une fois de plus le sinistre emblème de la guerre civile. L’intérêt politique a été satisfait ; mais, si la politique a joué le plus grand rôle dans cette discussion passionnée, ce n’est point en vérité le côté le plus curieux de ces affaires de Lyon. Ce qu’il y a de caractéristique, de profondément, instructif, c’est cette gestion administrative et financière dont la commission a raconté la prodigieuse histoire. Ainsi on remet de l’argent à un aventurier qui en garde la moitié après être allé se mettre en sûreté à Genève, et à cet émissaire de confiance on fait souscrire une obligation de remboursement à l’état, qui est censé lui avoir prêté la somme simplement dérobée ! On a besoin de fusils, on expédie en Italie, à Turin, un menuisier, membre du conseil municipal. Ce menuisier, envoyé en mission par la commune lyonnaise, se garde bien naturellement de recourir au consul de France, c’eût été trop com-