Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/935

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en recouvre toute la surface, c’est-à-dire l’épithélium, se corrompt par endroits, surtout dans les régions humides. Les ouvriers de désorganisation, vibrions et bactéries, ou plutôt les germes de ces corpuscules filiformes, pénètrent dans la peau, s’insinuent dans les petits vaisseaux, envahissent tout le sang et peu à peu tous les organes. Bientôt ils grouillent partout, presque aussi nombreux que les molécules chimiques au milieu desquelles ils s’agitent en tour billonnant. Les matières albuminoïdes sont décomposées en gaz fétides qui se répandent dans l’atmosphère. Les sels fixes, alcalins et alcalino-terreux, se séparent lentement des substances organiques, avec lesquelles ils concouraient à former les tissus. Les graisses s’oxydent, rancissent ; l’humidité se dégage. Tout ce qui est volatil s’évanouit et au bout d’un certain temps il ne reste plus, outre le squelette, qu’un mélange informe de principes minéraux, une sorte d’humus, prêt à engraisser la terre. Or toutes ces opérations compliquées ont exigé absolument l’intervention des infusoires de la putréfaction. Dans l’air pur et privé de germes vivans, elles n’auraient point eu lieu. Pour supprimer les fermentations putrides, pour assurer le maintien des matières végétales ou animales dans un état de complète intégrité, il n’y a qu’un moyen, mais un moyen infaillible, c’est de les soustraire rigoureusement à l’accès des germes aériens de vibrions et de bactéries. Soit que, pratiquant la méthode d’Appert, on soumette préalablement ces matières à l’action d’une haute température pour les conserver ensuite dans des vases hermétiquement fermés, soit que, comme l’a fait voir tout récemment encore M. Boussingault, on les introduise dans un milieu très froid, soit qu’on les imprègne de sels doués de vertus antiseptiques, dans tous les cas on les préserve d’altération en paralysant l’effet des organismes inférieurs. La putréfaction des animaux n’est pas plus possible que la fermentation du jus de raisin, du moût d’orge, du lait, etc., quand les germes sont mis dans l’impossibilité d’agir. C’est encore là un fait démontré par M. Pasteur.

Nous venons de prononcer le mot de substances antiseptiques, c’est-à-dire capables de détruire les germes, d’entraver l’action des fermens. On conçoit l’intérêt qui s’attache à de semblables produits. De fait, ils sont aujourd’hui le principal objectif des investigations thérapeutiques. En même temps que les physiologistes et les chimistes s’occupent, avec un zèle persévérant, d’étudier la fonction-des corpuscules microscopiques dans la nature vivante, les médecins, qui en aperçoivent la multiple et funeste activité pathogénique, recherchent le moyen de les atteindre et de les détruire. Tout le monde connaît les principes, comme l’acide phénique, qu’on extrait du goudron et qui se trouvent aussi dans la fumée, à