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soient vivans. Sans doute le cambium des végétaux, le blastème des animaux, et en général toutes les liqueurs protoplasmiques, sont des lieux féconds d’éclosion où se développent spontanément les cellules et les fibres des trames vivantes. C’est ainsi que les premiers élémens de l’embryon apparaissent dans l’ovule des animaux. Les travaux de M. Robin, de M. Trécul, de MM. Legros et Onimus, et d’un grand nombre d’autres observateurs, sont d’ailleurs à cet égard péremptoires ; mais la vie appartient à ces protoplasmas ; ils dépendent d’un système organisé. C’est à l’abri de l’air, c’est dans les profondeurs de l’organisme qu’ils travaillent à la création des corpuscules microscopiques. Qu’on les place au contact de l’air pur, dans les ballons de M. Pasteur, et alors ils seront inféconds.

On objecte enfin à M. Pasteur que, si les germes de tous les microphytes et microzoaires sont dans l’atmosphère, on doit les y retrouver et les y reconnaître. Or, en examinant les poussières de l’air au microscope, on ne découvre point, tant s’en faut, tous les rudimens de cette flore et de cette faune infiniment petite dont les fermentations et les putréfactions de la matière organique attestent l’existence. M. Pasteur n’a jusqu’ici opposé à cet argument que le témoignage de ses expériences, lesquelles démontrent qu’au contact de l’air purifié ni les fermentations, ni les putréfactions ne sont possibles. Cela suffit à la rigueur, mais on peut aller plus loin. De ce que beaucoup de germes ne sont pas visibles au microscope, on ne saurait aucunement conclure qu’ils n’existent point. D’abord on en constate avec certitude un certain nombre d’espèces dans les poussières atmosphériques. Il est par conséquent permis de présumer que, si les autres échappent a notre œil armé de verres, grossissans, cela prouve simplement qu’ils sont plus petits que les premiers ; mais peut-être n’est-ce pas ainsi qu’il convient de voir le problème. Nous pensons que les germes visibles sont des exceptions, c’est-à-dire des êtres déjà parvenus à un certain degré de développement, et qu’en réalité tous les vrais germes sont d’une dimension à jamais inaccessible à l’observation microscopique, même si l’on supposait les lentilles beaucoup plus puissantes encore qu’elles ne sont aujourd’hui. Le microscope ne nous permet guère d’apercevoir que des points ayant au moins un dix-millième de millimètre. Les germes primitifs de la vie ne doivent pas même approcher d’un millionième de millimètre[1]. La physique et la métaphysique prouvent qu’il faut renoncer ici à mesurer et à estimer les choses d’après la capacité de nos sens bornés. Il faut faire

  1. Plusieurs physiciens éminens attribuent la couleur bleue de l’atmosphère à la réflexion de la lumière par ces germes qu’il est impossible d’apercevoir directement.