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dans un ballon au contact de l’air pur. Ce sang reste frais pendant des années. En somme, M. Pasteur affirme et démontre expérimentalement que le jus de raisin, le lait, l’urine, le sang et tous les liquides les plus altérables dans les conditions ordinaires sont incapables de fermenter dans l’air pur, c’est-à-dire débarrassé des corpuscules qu’il contenait.

M. Pasteur a fait encore une autre série d’expériences. Il a provoqué le développement des fermens dans des liqueurs privées de matières albuminoïdes. Avant ses recherches, on croyait que les cellules observées dans la fermentation du jus de raisin proviennent de la métamorphose des matières albuminoïdes contenues dans ce suc naturel. M. Pasteur prépare une solution de sucre, de tartrate d’ammoniaque et de quelques autres sels, et y sème quelques globules de levure. Ces globules bourgeonnent, se développent et se multiplient dans ce milieu artificiel tout aussi bien que dans le jus de raisin. On croyait de même que dans la fermentation acide du lait le ferment est un produit de l’altération du caséum. M. Pasteur démontre l’inanité de cette hypothèse en réalisant la culture du ferment lactique dans un liquide artificiel, ne renfermant pas trace de caséum. Ces expériences, fort délicates, n’ont pas contribué seulement au succès de la panspermie, elles sont encore d’un grand prix pour la physiologie végétale[1].

On a fait à M. Pasteur, au sujet de ses théories sur l’origine des fermens, un grand nombre d’objections auxquelles il a presque toujours répondu par des faits rigoureux et par des argumens solides, bien que parfois il se soit donné, vis-à-vis de ses adversaires, le tort d’être âpre et dédaigneux dans la dispute. La vérité est assez forte pour être plus indulgente et charitable envers l’erreur. Les principales de ces objections ont roulé, il faut le dire, sur des problèmes qui ne touchent point au fond même du débat entre l’hétérogénie et la panspermie. M. Trécul, l’habile et éminent micrographe, M. Béchamp et d’autres ont démontré par exemple que M. Pasteur se trompe sur les évolutions et les transformations que subissent les microphytes dans les milieux fermentescibles. Certainement M. Pasteur a commis à ce sujet plus d’une erreur, et il existe probablement entre certains corpuscules à ferment plus de parenté qu’on ne le croit au laboratoire de l’École normale ; mais cela ne change rien au caractère fondamental de la doctrine. — On fait remarquer aussi que des corpuscules, ayant une structure déterminée, peuvent naître de toutes pièces, sans germes, dans certains liquides. Assurément, mais à la condition que ces liquides

  1. M. Raulin, un des élèves les plus distingués de M. Pasteur, a obtenu de son côté le développement de plusieurs espèces de moisissures dans des milieux artificiels.