Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fermentescibles, tandis que dans la seconde le phénomène est déterminé par un ferment tout formé, tout préparé. Mais ce dernier ferment n’est pas moins d’origine organique ; lui aussi provient d’êtres vivans, végétaux ou animaux. Soit qu’il émane, comme la diastase, des jeunes cellules de la graine, soit qu’il provienne, comme la pepsine, d’un travail accompli dans l’appareil digestif, il est l’ouvrage de la vie, aussi bien que s’il avait été fabriqué par des globules de levure ou des faisceaux de bactéries. Ainsi les ressorts effectifs de toutes les fermentations sont les mêmes. Tous les fermens sont au fond semblables, qu’ils soient procurés directement au liquide fermentescible par les corpuscules microscopiques qui l’habitent, ou qu’ils émanent de corpuscules qui habitent ailleurs. La vraie doctrine des fermentations est là.

Il est permis dès lors de considérer les fermens comme les pro, duits d’une fécondité intra-cellulaire, comme des sécrétions élaborées par ces myriades de corpuscules infiniment petits, les uns serrés, pressés, condensés dans les organes palpables des animaux et des plantes, les autres libres et mobiles, disséminés, comme nous le verrons, dans l’espace immense et intangible. L’énergie qui caractérise les microphytes et les microzoaires appartient aussi aux élémens microscopiques des trames vivantes des animaux supérieurs. Il faut élever cette propriété, jusqu’ici particulière, à la dignité d’attribut universel et fondamental des cellules organisées. Il faut voir dans les transmutations et les opérations les plus complexes de la nutrition, chez les espèces supérieures, la même industrie et les mêmes forces primitives que dans la subtile activité des humbles et imperceptibles monades.

Sans doute les corpuscules de diverses espèces auxquels on ramène en dernière analyse les animaux et les plantes, de toute sorte et de tout degré, ne sont pas identiques. Chaque espèce a sa structure propre, son énergie spécifique, son mode de nutrition, ses sécrétions déterminées, caractères qui sont d’ailleurs variables avec les milieux et les circonstances. Cependant on peut signaler plus d’une analogie intéressante entre certaines de ces espèces qui paraissent remplir des fonctions bien distinctes et occuper des rangs bien différens dans l’immense concert des monades de vie. Les cellules des fruits, placées dans certaines conditions, se comportent, on l’a déjà vu, comme celles de la levure de bière : les unes et les autres décomposent le sucre et donnent de l’alcool. Il est permis de rapprocher, non moins étroitement, comme l’ont fait M. Blondeau et M. Pasteur, les mycodermes acétiques et les globules du sang : les uns et les autres servent de véhicule à l’oxygène, les premiers pour la combustion lente de l’alcool, les autres pour la combustion lente des matières albuminoïdes des tissus