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trouverait-il spontanément la combinaison utile qui est commandée par l’intérêt du tout ? Dans les œuvres humaines, les conditions matérielles sont reconnues impuissantes à se coordonner par rapport à un effet précis ; pourquoi dans l’organisme les conditions matérielles seraient-elles douées d’un si extraordinaire privilège ? Dire que, les élémens étant donnés, il va de soi qu’ils se forment en tissus, et que, les tissus étant donnés, il va de soi qu’ils se forment en organes, c’est comme si on disait que, des fils de soie étant donnés, ils se distribueront spontanément en pièces d’étoffe, et que, lorsqu’on a une pièce de drap, c’est comme si on avait un habit ; or, quoique le drap soit apte à devenir un habit, et les fils du ver à soie aptes à former de l’étoffe, cette aptitude à un acte déterminé n’équivaut pas à la production de l’acte, et il faut une cause motrice pour la faire passer de l’état virtuel à l’état actuel. Dans l’industrie humaine, nous voyons cette cause motrice, qui est en nous ; dans l’industrie de la nature, nous ne la voyons pas, mais elle est aussi nécessaire d’un côté que de l’autre.

J’en dirai autant de l’explication qui consiste à rendre compte du consensus vital par la contiguïté des parties organiques ; c’est ramener un rapport tout intellectuel à un rapport extérieur et matériel. Ici encore, dire que l’harmonie du corps vivant s’explique parce que les parties se touchent, c’est comme si on disait qu’un habit va bien parce qu’il n’a pas de trous. L’accommodation de l’habit au corps et la correspondance des parties n’ont aucun rapport avec la continuité de la pièce d’étoffe, car cette continuité existait dans la pièce même avant qu’elle fût disposée en vêtement. La continuité peut expliquer, si l’on veut, la sympathie des organes et la communication des impressions, mais non la coopération et la correspondance des organes et des fonctions ; enfin la continuité pourrait encore, à la rigueur, rendre compte de l’adaptation des parties voisines, par exemple de l’articulation des os, mais non de l’action commune en même temps que différente des parties éloignées.

C’est encore en ce point que réside la différence des deux grandes lois zoologiques découvertes et proclamées, l’une par Geoffroy Saint-Hilaire, l’autre par Cuvier, la loi des connexions et la loi des corrélations, On sait en quoi consiste la loi de Cuvier ; elle repose sur cette idée si. simple et si évidente, que dans un être organisé toutes les parties doivent être d’accord pour accomplir une action commune. Nous avons vu que la loi des connexions, de son côté, repose sur ce fait, qu’un organe est dans un rapport constant de situation avec tel autre organe donné. La corrélation est un