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latin en français qui doit être l’occupation principale de l’écolier, car elle tiendra son esprit éveillé, lui apprendra des faits qu’il ignore et lui révélera des idées qu’il ne connaît pas.

Notre enseignement secondaire a un défaut matériel qu’il faut signaler, car il en reçoit un préjudice grave : je veux parler de l’agglomération. 700 ou 800 élèves et plus dans un seul collège, c’est beaucoup trop. La vie a beau être réglée comme celle d’un couvent, les maîtres ont beau se promener pendant la récréation au milieu de ces cours si tristes, si dénudées, entourées de hautes murailles à fenêtres grillées qui évoquent l’idée de prison, le veilleur a beau parcourir la nuit les dortoirs où 60 enfans sont réunis ; tout souffre d’un tel encombrement, l’émulation, la discipline, la morale. Sans insister sur des périls qui ne sont que trop réels, on peut affirmer que ce serait un grand bienfait pour les élèves admis à l’enseignement secondaire, s’ils étaient dispersés dans des maisons ne contenant pas plus de 50 écoliers, dont il serait facile de surveiller la conduite et de diriger le travail, ce qui est impossible avec la population de nos lycées. Je prendrai pour exemple le plus célèbre de nos collèges, Louis-le-Grand, qu’aujourd’hui on nomme le lycée Descartes. Il y a 29 classes quotidiennes pour 1,179 élèves, dont 527 internes ; il est inadmissible que 29 professeurs, quels que soient leur mérite et leur bon vouloir, puissent donner un enseignement suffisant à près de 1,200 enfans. Pour sa part, le collège n’a rien négligé ; les dortoirs sont très aérés, les quartiers bien disposés ; l’infirmerie est un modèle de propreté, le gymnase couvert est outillé presque avec luxe, la nourriture est plus qu’abondante, le recrutement des maîtres d’étude a lieu dans des conditions irréprochables ; mais tout cela ne fait pas qu’un seul homme puisse s’employer utilement auprès d’un nombre trop considérable d’élèves[1].

On ne peut bien pénétrer les résultats du système d’études suivi jusqu’à ce jour qu’en assistant aux examens du baccalauréat ès-lettres. L’enseignement secondaire s’y montre dans toute sa stérilité. Ce n’est pas sans émotion que j’ai vu des hommes du plus

  1. Je prends la liberté d’appeler l’attention de M. le ministre de l’instruction publique sur l’état de ce qu’on nomme « les arrêts » au lycée Descartes. Il serait à désirer qu’il prit la peine de les visiter lui-même, car nulle description ne peut rendre l’aspect de ces cabanons, tous situés au nord, où le plâtre n’a même pas été récrépi, où l’on voit à peine et où l’on grelotte. Il est cruel et dangereux, pour bien des causes, d’y enfermer des enfans ; on peut les isoler et les condamner à un pensum sans leur infliger une souffrance matérielle. Que le ministre se souvienne de l’orateur qui, le 13 juin 1865, plaida la cause des jeunes détenus de la Roquette devant le corps législatif. Les cellules de la maison de correction sont moins pénibles que celles des arrêts de Descartes.