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générales suffisantes, et le conduit même assez loin dans l’histoire, le calcul et la géographie. Dans les salles d’asile, où l’enfant peut séjourner de deux à six ans, l’instruction qu’il reçoit est fort embryonnaire ; elle lui apprend à démêler un peu l’écheveau de ses pensées, elle attire son attention sur les objets usuels, elle l’initie aux premiers principes de la lecture et de l’écriture, elle lui fait résoudre de très faciles problèmes qui ne dépassent pas la soustraction ; par la gymnastique cadencée qu’elle lui impose, elle l’amuse, rhythme ses gestes et développe ses mouvemens ; par les vers puérils qu’elle lui fait chanter sur des airs connus, elle met dans sa petite tête des vocables dont il demande l’explication, des préceptes de morale et d’hygiène quotidienne. Ne ferait-elle que le retenir et l’empêcher de courir dans les rues, elle lui rend un service signalé. Rien n’est plus divertissant à voir que ces bambins rangés à la file, les mains sur les épaules les uns des autres, marchant bruyamment en mesure et chantant, sur l’air des Alsaciennes : Nous nettoierons nos chaussures et nous laverons nos mains, ou de les regarder lorsque, guidés par la baguette du moniteur, ils braillent à tue-tête : Ba, bé, bi, bo, bu ! Parfois, lorsqu’ils reniflent trop fréquemment, on interrompt la leçon et on leur dit : Mouchez-vous ! Alors tous à la fois ils tirent de leur poche une loque informe et se mouchent avec un ensemble extraordinaire, puis ils se remettent, crier de plus belle : Ba, bé, bi, bo, bu ! Il faut être là quand ils arrivent de la maison paternelle, le petit panier au bras, la mine fouettée par le froid du matin. La directrice, la sous-maîtresse, une bonne, les reçoivent, les mènent près d’un grand lavoir en marbre, et leur donnent là des soins de propreté dont ils n’ont que trop souvent besoin. Lorsqu’un enfant vient à l’asile, propret, débarbouillé, peigné, il affirme par ce seul fait la moralité de sa famille.

A l’école, c’est plus sérieux : on ne chante plus, on ne marche pas en cadence ; les enfans sont déjà de petits personnages pénétrés de l’importance de leur rôle ; cela ne les empêche nullement de sauter comme des cabris pendant les récréations, lorsqu’il y a une cour, ce qui ne se rencontre pas aussi souvent qu’on pourrait le désirer. Selon que les enfans sont plus ou moins nombreux, l’école est divisée en plus ou moins de classes ; j’en ai compté dix à l’école de la rue Morand. La classe est une grande salle éclairée par des vitrages latéraux ; le maître est dans une chaire assez élevée et domine les écoliers, qui sont assis sur des bancs placés devant des tables munies d’encriers ; sur la muraille se détache l’image de celui qui recherchait les enfans et qui a dit : « Aimez-vous les uns les autres ; » puis sont accrochés des tableaux noirs, des cartes