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Aussi quel excellent usage on a fait immédiatement de cette richesse ! Bien vite on a créé 22,000 places dans les écoles communales, on a soutenu l’enseignement libre par un subside spécial, augmenté le traitement du personnel, développé le matériel classique, qui laissait tant à désirer ; on a divisé les classes trop nombreuses, organisé deux écoles normales, ouvert une école d’apprentis ; enfin, imitant l’exemple que l’Angleterre nous donne depuis plus de trente ans, on a constitué un magasin scolaire qui, centralisant tous les objets nécessaires dans une école, permet de les distribuer rapidement, d’en surveiller l’emploi et de réaliser de grosses économies, grâce à un atelier de réparations qui fonctionne sans désemparer. Il est intéressant de visiter ce magasin, qui est situé sur le boulevard Morland, — c’est l’île Louviers, réunie à la terre ferme depuis 1843, — et qui fait partie du garde-meuble de la ville. Lorsque j’ai pénétré dans la cour, je me suis arrêté avec un battement de cœur involontaire, car elle était pleine de tas de débris noircis et comme carbonisés qui représentent tout ce qui reste des objets d’art et d’orfèvrerie retrouvés sous les décombres de l’Hôtel de Ville incendié. Dans d’immenses galeries divisées par des planchers de sapin entourés de barrières à claire-voie, on a rassemblé tous les gros meubles utiles dans les classes : les chaires réservées aux professeurs, les tableaux noirs et les tables destinées aux élèves. Rien ne paraît plus simple au premier abord que de faire des tables et des bancs pour des écoliers ; c’est pourtant un problème qu’il n’est pas toujours facile de résoudre, car rien n’est plus contraire à l’hygiène, à la discipline, à la morale même et à laponne tenue des classes, c’est-à-dire à tout ce qui facilite l’enseignement, que ces longues tables où les enfans sont pressés les uns contre les autres, comme je l’ai vu dans une école où 12 enfans, assis devant une table longue de 3m,75, n’avaient pas la liberté de mouvemens nécessaire pour écrire. Toutefois il faut tenir compte de l’exiguïté des classes et du nombre des écoliers ; à force de tâtonner et d’étudier là question, on s’est arrêté à un banc-table muni de pupitres qui au maximum pourra recevoir 5 enfans ; mais, toutes les fois que l’emplacement le permettra, on isolera les élèves autant que possible en leur créant à chacun une sorte de petit bureau particulier. Une autre galerie, séparée en un grand nombre de chambrettes, renferme les livres, les cahiers, les plumes de fer, les crayons, les ardoises, les cartes, les sphères, les compendiums métriques, la craie et tout le menu bagage de l’élève. Cependant il ne suffit pas d’outiller l’élève, il faut outiller l’école ; il faut des rideaux aux fenêtres, un christ sur la muraille, une pendule pour indiquer l’heure, des balais pour nettoyer les classes, des arrosoirs pour l’arroser ; s’il y a un jardin, il faut des râteaux,