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— en France, les abbés de La Chapelle, Jean Picard, Duhamel, le père Cotte, l’abbé Bossut, Lacaille, du Gua, l’abbé Nollet, l’abbé Rozier et le père Outhier, compagnon de Maupertuis en Laponie. L’abbé Haûy, qui vivait encore au commencement de ce siècle, est le dernier prêtre français qui se soit fait un grand nom dans les sciences positives. Le père Secchi, à Rome, est aujourd’hui le seul que l’on puisse citer. Pour expliquer cet arrêt subit, deux hypothèses se présentent : ou le clergé catholique français est devenu indifférent aux sciences physiques et naturelles, ou bien les changemens qui se sont accomplis dans la constitution du clergé n’ont pas été favorables aux travaux scientifiques. L’esprit du clergé a changé : celui qui comptait dans ses rangs les abbés Condillac, Raynal et Grégoire était sinon philosophe, du moins gallican. Il y avait de plus des abbés pourvus de bénéfices, libres de l’emploi de leur temps, des religieux autorisés par leurs supérieurs à consacrer leur vie à l’étude. Aujourd’hui les prêtres comme les pasteurs remplissent des devoirs professionnels qui absorbent tous leurs momens et les empêchent d’acquérir les connaissances et de se livrer aux travaux nécessaires pour faire avancer une science déterminée. Le père Secchi, qui est correspondant de l’Institut, et le pasteur norvégien Sars, qui aurait dû l’être, sont les seuls ecclésiastiques qui se sont illustrées, le premier dans l’astronomie, le second dans la zoologie. Du reste je dirai avec M. de Candolle : « L’expérience va se faire. On aura bientôt la contre-épreuve des faits observés. Depuis quarante ans, la France est redevenue très catholique et plus romaine que jamais. Les ordres religieux ont reparu, les fondations ecclésiastiques se sont multipliées, les familles riches ont des abbés pour précepteurs et pour conseils, les collèges catholiques sont nombreux. Si l’église est aussi favorable aux sciences que dans le XVIIe et le XVIIIe siècle, on verra de nouveau les portes de l’Académie s’ouvrir à des ecclésiastiques, et plusieurs d’entre eux se distingueront assez pour être nommés correspondans des grandes associations scientifiques des autres pays. Dans quelques années, on saura bien à quoi s’en tenir à cet égard. »

Examinons maintenant avec l’auteur l’influence des nationalités. Revenant à la liste des 94 associés étrangers de l’Académie des Sciences de Paris, il les classe par nations en étudiant séparément la période comprise entre 1666 et 1799 et celle de 1800 à 1872. Deux choses frappent au premier coup d’œil dans ces tableaux. D’abord on constate que la population est un élément très secondaire dans la production de savans éminens. Ainsi la Russie et l’Espagne ne comptent aucun représentant sur cette liste. Les États-Unis n’en ont que 2, tandis que la Hollande en a 6, la Suède 4 et la Suisse 12. Ensuite, en comparant les deux périodes, on voit que l’Angleterre est restée à peu près au même niveau, tandis que l’Allemagne a augmenté notablement d’importance au détriment de la Hollande, de la Suisse et de l’Italie. Ainsi dans le