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que celui d’amis des sciences ou des sociétés savantes : M. de Candolle les a justement éliminés ; mais depuis le commencement du siècle l’usage s’est établi de choisir uniquement des savans et de limiter leur nombre à 50. Après les épurations nécessaires, la liste totale des correspondans de la Société royale s’élève à 235 noms. Pour l’académie de Berlin, les difficultés étaient encore plus grandes. Admettant des Allemands parmi ses membres étrangers, il est évident qu’elle était plus portée à choisir un Bavarois, un Hanovrien, un Wurtembergeois ou un Badois, écrivant en allemand et connu personnellement d’un grand nombre de membres qu’un Anglais, un Français pu un Italien. M. de Candolle a pris le parti d’éliminer de ces listes les savans des diverses contrées appartenant à l’ancienne confédération germanique et de limiter sa liste aux savans réellement étrangers à l’Allemagne. Les quatre listes, pour les années 1750, 1789, 1829 et 1869, ainsi épurées, contiennent 195 noms.

La statistique serait une science stérile, si elle se bornait à enregistrer des résultats numériques sans les discuter, sans remonter aux causes qui les ont produits. Nous allons donc étudier avec l’auteur l’ensemble des circonstances qui ont favorisé ou entravé l’apparition de savans illustres dans les divers pays. L’auteur se demande d’abord de quelle classe de la société sont sortis la plupart de ces savans. La réponse est dans les tableaux qu’il a dressés. Commençant sa recherche par les 92 associés étrangers de l’Institut depuis 1666, sur lesquels les renseignemens étaient suffisans, il trouve que 37 appartenaient à la noblesse, à des familles riches ou aristocratiques d’anciennes villes libres, telles que Genève, Francfort ou Hambourg ; 49 sont sortis de la classe moyenne, 6 seulement de la classe des ouvriers ou des cultivateurs. Ainsi c’est la classe moyenne qui en résumé a produit le plus de savans éminens. Citons quelques exemples : Huyghens, Cassini, Newton, Cavendish, Volta, de Humboldt, appartenaient à la classe noble ou riche ; Leibniz, les Bernoulli, Lagrange, Herschel, Berzelius, Robert Brown, sont sortis de la classe moyenne ; Davy, Faraday, Gauss, avaient des parens pauvres. Ces résultats ne s’appliquent qu’aux étrangers ; pour savoir s’ils sont identiques pour la France, M. de Candolle a dressé la liste des savans français qui, étant à la fois membres de la Société royale de Londres et de l’académie de Berlin, forment l’équivalent des associés étrangers de Institut. Sur 36 d’entre eux, 10 sont issus de familles nobles ou riches, 17 de la classe moyenne, 9 de la classe des ouvriers ou des cultivateurs, résultat qui confirme le premier. Toutefois c’est en France, — et ce fait est d’un heureux augure pour l’avenir, — que le nombre relatif de savans issus de parens pauvres est le plus considérable. C’est d’autant plus étonnant qu’il ne faut jamais oublier, en compulsant ces statistiques, que les travaux scientifiques ne sont nullement rémunérateurs, nécessitent au contraire des dépenses, exigent de la patience, de