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LE SERGENT HOFF
ÉPISODE DU SIÈGE DE PARIS.

I.

Il fut célèbre deux mois entiers : on l’appelait le chasseur d’hommes, et les Parisiens avaient fait de lui leur héros. C’était bien là en effet le type du franc-tireur, un de ces hommes comme il en fallait pour harceler l’ennemi, lui tuer du monde, donner du temps aux armées de province et préparer la grande sortie. À l’ordre du jour sur les rapports partis de la place, le nom de Hoff revenait sans cesse, et les plus sceptiques étaient forcés de croire des choses presque invraisemblables. Au 10 novembre, n’avait-il pas déjà tué de sa main plus de trente Prussiens ? Seul ou presque seul, il courait la campagne, faisant la guerre en vrai partisan, enlevant les sentinelles ennemies, surprenant les postes. Un jour il délogeait les Prussiens de l’île des Loups, une autre fois il s’emparait de Neuilly. De Nogent à la Ville-Évrard, sur toute la rive droite de la Marne, il était roi du pays. Pour tant de hauts faits, il avait reçu la croix. Des reporters allèrent le voir aux grand’gardes, les gazettes publièrent sa biographie, son portrait courut les rues, et plus que jamais dans Paris on parla de sorties, de surprises, de francs-tireurs et de guerilleros.

Cependant le siège traînait en longueur : janvier était venu, et invinciblement les cœurs se fermaient à l’espérance ; on ne s’attendait plus qu’aux mauvaises nouvelles. On sut qu’à Champigny Hoff avait disparu. Qu’était-il devenu ? Un journal chercha, s’informa ; les révélations furent accablantes. Le fameux sergent n’était qu’un espion ; de son vrai nom il s’appelait Hentzel, et avait grade de lieutenant en premier dans un régiment de chasseurs bavarois. Ses exploits si vantés ne s’expliquaient que trop bien : à la faveur de sa