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qu’avec toute sorte de restrictions venir rendre compte de ses actions, exposer sa politique ! S’il se croit obligé par raison d’état à prendre quelque mesure de précaution, comme il l’a fait il y a quelque temps à l’égard du prince Napoléon, c’est à peine si on lui permettra de s’expliquer. M. le président de la république est responsable, et on lui marchande le droit de se défendre devant ceux qui peuvent le condamner ! On s’ingénie à créer, dans un intérêt de tactique, une sorte d’intermédiaire, une responsabilité ministérielle qui n’est guère qu’un moyen d’atteindre le chef du pouvoir exécutif sans l’avoir entendu, en faisant comme s’il n’existait pas ! M. Thiers a mille fois raison s’il ne s’incline pas devant toutes ces merveilleuses combinaisons. Dans la situation qu’on lui fait, c’est lui qui est le seul et vrai parlementaire. Si l’on tient absolument à rester une assemblée omnipotente imposant des volontés, n’admettant aucune contradiction, il y a un moyen bien plus simple : c’est de faire comme la convention, de gouverner comme elle par des comités. Voilà où l’on en vient en confondant tout, en s’égarant dans ces laborieuses subtilités, en se laissant entraîner par cette logique de la défiance dont on est obligé de désavouer les conséquences extrêmes, et la raison à peine voilée de ces contradictions, c’est qu’on veut bien appliquer au gouvernement les règles parlementaires, mais on ne voudrait pas les accepter pour soi-même. On voudrait avoir l’air de tout organiser, une seconde chambre, les rapports des pouvoirs publics, en réservant tout, en ajournant la seconde assemblée, en se contentant de ramener le gouvernement à une condition subordonnée.

Quand on invoque ce régime parlementaire, qu’on a certes raison d’aimer et de vouloir donner à la France, le mieux serait de ne pas le rendre impossible ou tout au moins bien difficile, de l’accepter dans ce qu’il a de bienfaisant et d’efficace. Qu’on le pratique résolument, d’un effort soutenu, en s’appliquant sans jalousie vulgaire et sans arrière-pensée aux affaires sérieuses qui intéressent le pays ; mais pour cela il ne faudrait pas dire assez naïvement, comme on le fait quelquefois, par exemple au sujet des maires et des municipalités ou de la loi électorale, qu’il y a des mesures qui pourraient être utiles, dont on craint cependant de prendre l’initiative parce qu’elles seraient impopulaires, et dont on veut laisser la responsabilité au gouvernement. Il ne faudrait pas, au risque de dénaturer le rôle d’une assemblée, multiplier les interpellations sur ce qui se passe dans une petite ville. Il ne faudrait pas se jeter à l’aventure dans des campagnes comme celle qu’on a récemment engagée contre M. le ministre de l’instruction publique.

Ce qu’on a voulu faire ce jour-là, nous ne le savons vraiment, ou plutôt il est assez facile de s’en douter ; dans tous les cas, l’affaire a été conduite d’une singulière façon. Au premier abord, la question était des plus simples. On discute précisément à l’heure qu’il est une loi sur