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quelques idées simples et le sentiment de la réalité des choses. Malheureusement en effet la commission n’a pas pris le meilleur chemin, elle a commencé son travail sous des impressions confuses, contradictoires, avec des arrière-pensées qui n’étaient pas de nature à faciliter son œuvre, et, depuis qu’elle existe, elle a toujours l’air de marcher à travers des charbons ardens, comme si elle avait peur de toucher à des questions compromettantes, de trop faire ou de ne rien faire. Elle n’a rien fait, cela est trop clair, et même en se prêtant à quelque transaction nouvelle, en faisant des concessions à M. le président de la république, il est fort à craindre qu’elle n’arrive qu’à quelque combinaison mal venue, toujours équivoque, sans autorité et sans efficacité, parce qu’elle ne pourra répondre à aucune des nécessités du moment.

Il n’y avait qu’une manière de procéder sérieusement, c’était de se mettre sans préjugé, sans arrière-pensée, en face de la situation et de savoir d’abord ce qu’on voulait. De deux choses l’une, ou bien on acceptait de se placer sur le terrain défini par le message de M. Thiers. C’était là évidemment le parti le plus simple, le moins compromettant après tout, puisque la république elle-même n’est nullement au-dessus de la souveraineté nationale, qui reste toujours en définitive maîtresse de l’avenir. Ce terrain une fois admis, il n’y avait qu’à marcher, à créer les institutions essentielles qui sont en vérité de tous les régimes, à organiser un pouvoir exécutif avec ses prérogatives nécessaires, à doter le pays des garanties conservatrices dont il a besoin. Seconde chambre, loi électorale, reconstitution militaire, réforme de l’instruction publique, réorganisation des finances, tout pouvait s’accomplir et se coordonner, tout se trouvait jusqu’à un certain point simplifié par cela seul qu’on écartait la question de régime. On donnait à l’établissement actuel une force de plus, au pays une certaine sécurité. Dans ce cas et dans ce cas seulement, on avait le droit de demander à M. Thiers de rester dans ses attributions indépendantes de chef du pouvoir exécutif. Si on ne voulait pas aller jusque-là, si on craignait de trop se risquer dans le définitif, il n’y avait pas beaucoup à faire en vérité, on n’avait pas le choix. Il ne restait plus qu’à prendre la situation telle qu’elle est et à l’organiser. Il fallait accepter les conséquences du parti qu’on adoptait sans se dissimuler qu’en entrant dans cette voie on allait droit au système de M. Grévy : l’assemblée souveraine résumant tous les pouvoirs avec un président du conseil responsable, toujours présent devant la chambre. Par le fait, on revenait sur ses pas, on rétrogradait au-delà de la loi Rivet. C’était du moins un système simple et rationnel.

Est-ce là ce que la commission des trente s’est proposé ? Nullement, elle a tout mêlé, tout confondu, elle a pris un peu de tous les systèmes, et elle est arrivée à mettre au monde une œuvre qui, si elle pouvait être adoptée, ne serait que l’organisation de tous les conflits, même