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dont ils étaient exclus, voulaient la suppression des dettes, l’égalité des partages. Les maisons des riches banquiers, entre autres celles des Albizzi et des Alessandri, furent pillées, incendiées. Un. Médicis, Sylvestre, favorisa cette conspiration, et prépara par ce moyen l’élévation de sa famille. Cette compagnie de banquiers, jusque-là restée dans l’ombre, et que l’histoire cite alors pour la première fois, allait prendre la place de celles qui venaient de s’éteindre. Le cardeur de laine Michel de Lando, mis à la tête de la république par les ciompi, loin de pactiser avec les factieux, rétablit l’ordre dans les affaires ; mais la liberté était frappée à mort, et avec elle le commerce et l’industrie, qui avaient fait pendant les siècles précédens le renom de la grande cité florentine. Florence était mûre pour la servitude. Elle ne tarda, pas à se donner un maître, et successivement Cosme l’Ancien, Laurent le Magnifique, puis l’ignoble Alexandre et Cosme le Grand, préparèrent l’asservissement de la république. Le principat des Médicis, commencé au XVe siècle, ne devait finir qu’avec l’extinction de cette famille, vers le milieu du XVIIIe siècle. En se donnant à un homme, en se désintéressant peu à peu de la conduite des affaires publiques, les citoyens de Florence virent décroître leur richesse et leur force. L’art de la laine passa en d’autres mains, et comme, par la découverte du cap de Bonne-Espérance et de l’Amérique, le commerce avait trouvé des routes nouvelles qui menaient précisément ou qu’on s’imaginait devoir mener tout d’abord à ces pays de l’extrême Orient qui jadis avaient fait la fortune de l’Italie[1], Florence et toute la péninsule déclinèrent à la fois. On ne chercha pas à réagir contre ce commencement de ruine, on oublia peu à peu que le travail est un des plus solides maintiens des sociétés ; on ne pensa plus qu’à jouir, et depuis le XVe siècle l’Italie alla en déclinant. La formation de l’unité italienne est venue arrêter la longue décadence de ce pays. Ses ports, son industrie, refleurissent, le travail reprend partout, les beaux jours du passé reviennent. C’est une véritable renaissance, à laquelle on ne peut qu’applaudir en souhaitant à ces peuples, notamment aux Florentins, une prospérité industrielle et commerciale qui rappelle les brillans souvenirs de leurs aïeux.


L. SIMONIN.

  1. On sait que Colomb, en découvrant l’Amérique, croyait aller aux Indes, au pays des épices, par la route la plus courte, celle de l’ouest.