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recommandant « à notre seigneur Jésus-Christ et à sa bienheureuse mère notre dame sainte Marie, et à toute la cour divine » pour qu’ils lui concèdent la grâce de ne rien faire en ce monde qui ne soit à leur honneur et révérence, etc. » Chaque livre des Peruzzi répète cette formule, qui porte si bien l’empreinte des idées religieuses de cette époque. Le parchemin était employé pour ces sortes de, grands-livres, mise au net de tous les comptes, et c’est à cela que nous devons la conservation des livres des Peruzzi. Pour les livres courans, pour les brouillons, on usait du papier de coton ; c’est pourquoi aucun ne nous est parvenu. On relève sur les livres des Peruzzi que cette puissante maison avait à l’étranger seize succursales et employait aux tournées et. inspections annuelles 150 agens, vrais commis-voyageurs. On retrouve parmi ceux-ci plus d’un nom alors illustre ou qui le sera plus tard : Villani, Donati, Guicciardini, Macchiavelli, Pazzi, Portinari, Soderini, Strozzi. Les comptoirs étaient ceux d’Avignon, Paris, Bruges, Londres, Pise, Gênes, Venise, Cagliari, Palerme, Naples, Majorque, Barletta sur l’Adriatique, Chiarenza en Morée, Rhodes, Chypre, Tunis. A Paris comme à Londres, la rue où résidaient les banquiers italiens a gardé le nom caractéristique de rue des Lombards.

Rien n’arrêtait l’essor de ces marchands, ni la diversité de religion, ni celle de coutume, de langue, de monnaie, On peut étudier dans les livres des Peruzzi le cours du change au XIIIe siècle sur les diverses places de l’Europe, et voir le rapport, qui existait entre le carlin de Naples, le marc de Venise, la livre sterling de Londres, la livre tournois de Paris, le besan de Tunis ou de Rhodes et le florin d’or de Florence, pris lui-même comme étalon sur toutes ces places. On y trouve également mentionné le rapport des mesures étrangères, de capacité, de poids, de longueur, avec les mêmes mesures de Florence, les usages, de chaque place, les termes, qui y étaient fixés pour le paiement des lettres de change.

Dans toutes, les places maritimes étaient établis des consuls pour juger les, différends qui survenaient, entre leurs nationaux, protéger leurs intérêts. Différentes villes, Amalfi, Marseille, Barcelone, Gênes, Pise, se disputant l’invention première des consulats. Il est probable qu’il y a eu de tout temps des consuls, et que cette institution, éminemment méditerranéenne, doit remonter aux Phéniciens et, aux Grecs. Les républiques maritimes du moyen âge n’ont fait que la perfectionner, et rédiger les capitulations qui, régissent encore les étrangers dans les échelles du Levant.

Les voyages à cette époque étaient longs, coûteux, difficiles, sur terre comme sur mer. La traversée des Alpes était périlleuse, en hiver surtout. Sur terre, on allait à cheval, bien rarement en