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Lagny, Provins, on achetait surtout des toiles. La foire de Beaucaire était alors dans toute sa splendeur. Les affaires se traitaient en français. Le français était sur le continent la langue des affaires, une sorte de langue commerciale courante, comme l’est maintenant l’anglais, ou comme l’italien l’était alors et l’est resté dans toute la Méditerranée. Dante, Villani, sont précis sur ce point. Aigues-Mortes, qui aujourd’hui est éloigné de la mer de près de 6 kilomètres, était le port avec lequel commerçaient surtout les Florentins. D’Aigues-Mortes, les navires allaient au port de Pise, reporté depuis, comme Aigues-Mortes, au milieu des terres, et de Pise à Florence on amenait les marchandises soit en charrettes ou à dos de mulets, soit par des bateaux naviguant sur l’Arno.

Les laines d’Angleterre et d’Ecosse arrivaient directement par mer de Londres ou de Southampton, touchant à Lisbonne et traversant le détroit de Gibraltar, ou mieux elles étaient envoyées par mer de Londres à Libourne et de Libourne à Aigues-Mortes par terre, traçant ainsi au commerce la voie que Colbert et Riquet devaient suivre dans le canal du Midi, qui à son tour a été détrôné par le railway. Les draps achetés dans les Flandres étaient envoyés aux hôtelleries, empaquetés par ballots, protégés par une double enveloppe de feutre et de toile. Les ballots contenaient de dix à douze pièces chacun, mesurées et scellées du sceau de la corporation de Calimala. Une pancarte indiquait le prix de l’étoffe, la longueur et la largeur des pièces, le nom du fabricant, le lieu de provenance. Des foires où on les avait achetés, on expédiait ces draps à Narbonne ou à Montpellier ; là on les consignait entre les mains des officiers de la draperie, magistrats élus au nombre de six entre les marchands les plus estimés. La marchandise gagnait Florence par Aigues-Mortes. Ce ne fut que très tard que Marseille, dont on est étonné de ne pas trouver les relations plus fréquentes avec le marché florentin, fut choisie de préférence. Arrivés à destination, les draps étaient soumis, avant d’être préparés, à l’examen des experts de Calimala. Ces minutieuses précautions, ce soin extrême qu’on prenait du bon conditionnement de la marchandise, expliquent en partie le succès des drapiers florentins. Montpellier, Perpignan, Nîmes, Carcassonne, Avignon, Lyon, Paris, étaient leurs principales succursales ; ils y avaient des représentans à demeure. Villani y fut plusieurs fois envoyé. Un Peruzzi était établi à Paris, un autre à Avignon, et tous les deux y ont laissé des descendans qui vivent encore, et ont conservé les armes patrimoniales. Nos Luynes descendent eux-mêmes d’une autre famille de riches marchands établie dans le midi de la France, les Alberti.

Le commerce des laines, des draps, des soieries, joint à