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A l’extérieur, la pierre est unie, taillée en rectangles de moyenne dimensions ; à l’intérieur, la maçonnerie est de moellons irréguliers, quelquefois de gros cailloux roulés arrachés au lit de l’Arno. L’épaisseur des murs atteint jusqu’à 2 mètres. La date de ces constructions est évidemment pour la plupart étrusque ou romaine. Le mortier a fait si bien prise que tout cela n’est plus qu’une masse inébranlable de haut en bas ; la mine et l’acier auraient peine à l’entamer. A Por-Santa-Maria, on compte dans un très petit espace jusqu’à sept de ces tours. Au cœur du vieux Florence, là où est aujourd’hui le marché vieux (Mercato-Vecchio), on en compte un plus grand nombre ; une ancienne église du lieu porte même le nom de San-Miniato tra le torri. C’est là qu’avaient leur résidence les plus anciennes familles de la ville, les Agli, les Vecchietti, les Cardinali, les Brunelleschi, les Amieri, les Tosinghi, les Ughi, les Gondi. Les Médicis sont sortis également de là. Un peu plus loin, via San-Martino, est la tour que l’on montre comme ayant été la maison de Dante. Les grandes familles venues plus tard à Florence eurent leur résidence dans les faubourgs ; les Bardi, les Albizzi, étaient de ce nombre.

Le coin du vieux Florence où nous sommes mérite d’être décrit. Depuis les premiers temps, il n’a pas changé. C’est toujours le même dédale de rues étroites, tortueuses, la plupart sans issue, que le soleil ne visite jamais, et que le balai ou l’arrosoir municipal visitent encore moins. Le climat, les luttes intestines, autorisaient ces dispositions. Aucune ancienne ville, pas même Gênes, sous ce rapport si curieuse, pas même Marseille, dont quelques rues n’ont pas varié d’aspect depuis le temps des Phocéens, ne renferme un quartier d’allure aussi pittoresque. Dans cette partie du vieux Florence se tient toujours le marché. Depuis huit cents ans, les étals en plein air sont presque restés les mêmes. La boucherie, la poissonnerie, occupent la rue par droit imprescriptible ; les marchands de légumes sont à côté. C’est là que le dialecte florentin aux sons gutturaux, qui rappellent ceux de l’arabe et de l’espagnol, et qui viennent sans doute de l’étrusque, aux syllabes musicales, sautillantes, règne dans toute sa pureté. Pour l’ouïr, il n’est pas besoin d’aller au spectacle assister aux farces de Stenterello, — le bouffon de Florence, comme Pulcinella est celui de Naples, — il suffit de passer au Mercato-Vecchio, à la place aux herbes, de longer la rue de Calimala et celle des Strozzi, où se tient également le marché.

Le Mercato-Vecchio s’est de tout temps appelé de ce nom, même au XIe siècle. Il est probable que c’est sur cet emplacement que les maraîchers de Fiesole, descendus de leurs hauteurs, venaient