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peuple qui l’avait frappée, qu’il concéda tout de suite aux Florentins les mêmes privilèges qu’il avait jusque-là réservés aux seuls Pisans. Les banquiers portaient le nom de cambiatori ou changeurs ; on réservait celui de mercatanti ou marchands à ceux qui faisaient le commerce de la laine ou de la soie et aux drapiers de Calimala[1]. Presque tous les grands banquiers faisaient du reste aussi partie des corporations de marchands.

Pour essayer les monnaies, les changeurs se servaient d’une pierre de touche. On sait que l’or frotté sur cette pierre y laisse une empreinte bien visible qu’on attaque par les acides, l’eau forte par exemple ou acide nitrique. L’acide dissout les métaux alliés à l’or sans entamer ce dernier. La trace qui reste, comparée à d’autres faites avec des touchaux d’or d’un titre connu, permet de juger assez exactement du degré de pureté, de ce qu’on appelle le titre du métal essayé. En ces temps, la chimie n’offrait pas pour ces sortes d’essais de moyens plus précis que celui-là, qui s’est du reste employé jusqu’à nos jours, et l’hôtel des monnaies de Florence, la Zecca, dont quelques-uns des plus grands banquiers se firent les fermiers, n’en connaissait pas d’autres.

Autour des demeures des principaux marchands était une galerie couverte, appelée loge, où l’on se réunissait pour traiter les affaires. C’était là qu’on fixait les prix de la soie, de la laine, des draps, dû change. C’était là qu’arrivaient les courriers, les agens des compagnies marchandes, là qu’on recevait les nouvelles de mer et des diverses places d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Chaque maison commerciale avait ainsi sa bourse à portée de ses bureaux. Comme la foule attire la foule, c’était là aussi que le peuple du voisinage s’assemblait à certaines heures, surtout les jours de fête, pour jouer aux dés, apprendre les nouvelles. Là se donnaient les rendez-vous Ces loges ont disparu ; il n’en reste plus que le nom et la place. Les loges des Albizzi, des Adimari,des Maggi, des Rucellai, des Peruzzi, des Mozzi, des Bardi, furent les plus célèbres. Ce nom de loge s’est conservé à Gênes pour désigner la bourse ; à Marseille, on fa aussi employé tout le temps que la bourse s’est tenue dans le même local qu’au moyen âge, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la restauration.

La loge entourait la maison du marchand, du banquier. Celle-ci était généralement un vaste et magnifique hôtel, un palazzo, où le

  1. Tal fatto è Fiorentino, e cambia e merca… (Dante, Paradis, XVI.)