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l’industrie de la soie, l’arte della seta, et enfin le métier du change et de la banque, sans lequel tout ce commerce n’aurait jamais pu s’exercer.

Dès l’an 1100, on constate à Florence l’existence des consuls ou magistrats du collège des arts. Le travail de la laine formait ce qu’on appelait l’arte delta lana. Une grande partie de ces laines venait d’Espagne, mais surtout d’Angleterre et d’Ecosse, où on les achetait aux couvens ; à Florence, on les tissait, on les passait à la teinture. Les rues où se pratiquaient ces diverses industries existent encore : via dei Cimatori (tondeurs de draps), delle Catdaje (des chaudières), corso de’ Tintori (des teinturiers). L’alun, indispensable comme mordant pour fixer les couleurs, était acheté aux mines voisines de la maremme toscane. Les déblais, les résidus de ces anciennes exploitations ont été transformés peu à peu en une sorte de pouzzolane artificielle par une longue exposition à l’air. Aux environs de Massa-Marittima, de Campiglia, ces carrières sont encore accessibles. L’une d’elles, à Montione, est toujours en activité ; elle était sous les Médicis et les grands-ducs de la maison de Lorraine et elle est encore aujourd’hui une propriété de la couronne. Les couleurs employées étaient surtout végétales. Le pastel ou guado (en vieux français guède) servait à teindre en bleu ; l’indigo était alors inconnu en Europe. La garance (robbia), qui était cultivée en Toscane depuis le temps des Romains, donnait la couleur rouge, qu’on préférait pour les draps sur tous les marchés d’Asie. On teignait en pourpre avec l’orseille (oricella). Cette plante fut introduite du Levant par une famille de marchands, qui tira de là son nom, les Oricellari ou Rucellai. On voit encore un de leurs palais, d’une magnifique architecture, dans la rue de Vigna-Nuova. Ce sont les jardins des Rucellai, dépendant d’une autre demeure, qui furent si célèbres au temps de Machiavel et des néo-platoniciens. L’orseille, que ces marchands introduisirent dans la teinturerie florentine, est une sorte de mousse ou lichen qui croît sur certains arbres ; pour en tirer la couleur qu’elle contient, on la faisait fermenter dans l’urine. Retrouvée de nos jours à Madagascar, à Mozambique, elle forme un des principaux élémens du commerce de ces lointaines contrées.

Non contente des draps qu’elle fabriquait, Florence en recevait, avons-nous dit, de l’étranger à l’état brut, et leur faisait subir de nouvelles préparations. On les foulait, les teignait de nouveau, les pliait différemment, en un mot leur donnait la finesse, la couleur, le lustre, les dimensions que réclamaient les modes et les usages du temps. Les draps ainsi préparés étaient surtout envoyés à Tunis et dans tout le Levant. On appelait cette industrie l’arte di