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Dans de récens voyages à Florence, nous avons rencontré quelques-uns des descendans des célèbres directeurs de ces compagnies de marchands et de banquiers qui firent de la république florentine le premier état du XIIIe siècle. Dans les bibliothèques, dans les archives des familles, nous avons retrouvé des manuscrits inédits fort curieux, même des livres de commerce ; enfin, en parcourant l’ancienne ville, nous avons relevé sur place avec les mêmes noms la plupart des rues, des édifices, des palais, où se fit pendant plusieurs siècles tout le grand commerce florentin. Armé de ces documens, il est possible d’interroger le passé et de le faire revivre. On constate ainsi non-seulement que la plupart des usages commerciaux que l’on regarde comme récens, la tenue des livres, le billet de banque, les institutions consulaires, étaient déjà répandus et remontaient même plus loin, mais encore que jamais, à aucune époque, il ne parut une réunion aussi imposante d’hommes d’affaires dont la plupart comptaient la durée de leur maison par siècles, et avaient établi leurs relations sur tout le monde alors connu, de Londres à Pékin. Néanmoins le fait le plus saisissant qui ressortira de cette étude, c’est que les grandes choses se font surtout par la liberté, et qu’un état n’est fort qu’autant que les citoyens s’intéressent à la chose publique. Nous verrons Florence tomber et son commerce disparaître le jour où, ne cherchant plus qu’à jouir de ses richesses, elle remettra ses destinées aux mains d’un seul homme, sorti lui-même de ces grandes familles de marchands qui au moyen âge portèrent jusqu’aux confins du monde le renom de la république florentine.


I

Jusqu’au commencement du XIIe siècle, les documens précis manquent sur le commerce florentin. À cette époque, Florence, dont le passé était très ancien, puisqu’elle avait été tour à tour étrusque et romaine, détruite par Totila, reconstruite par Charlemagne, soumise aux empereurs allemands, dont elle secoua bien vite le joug (1080) pour se transformer en république, Florence nous apparaît tout à coup comme une cité marchande déjà très riche, constituée sur de sages lois, peuplée de puissantes familles, étendant au loin ses relations. Le travail de la laine soit indigène, soit tirée du dehors, et la manipulation des draps achetés bruts à l’étranger, notamment en France et dans les Flandres, ce qui leur faisait donner le nom de draps français, composaient la principale industrie de cette république. Il faut y joindre aussi