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bel ornement de la ville d’Horta. Son rôle de négociant l’appelait souvent en Amérique et en Europe, et à chaque voyage il ne manquait jamais de rapporter des graines, des boutures ou des arbustes. Plusieurs des arbrisseaux qu’il a plantés sont devenus de grands arbres, monumens vivans appelés à perpétuer la mémoire de cet homme de bien. Un araucaria excelsa, qu’il avait apporté de Boston il y a quarante-quatre ans dans un petit vase de grès, est aujourd’hui un arbre magnifique qui s’élève à plus de 40 mètres de haut. Cet araucaria est, dans l’archipel açorien, le premier qui ait donné des graines fertiles. En 1867, lors de mon premier voyage à Fayal, on croyait encore que sous le ciel des Açores cet arbre ne pouvait se reproduire que par bouture ; mais depuis lors, et à plusieurs reprises, on a constaté la germination des graines tombées au pied de l’arbre. Dernièrement, j’ai pu voir à l’ombre de ses rameaux une multitude de petites plantes frêles et souffreteuses, appelées un jour à posséder la taille et le feuillage du géant végétal.

D’autres arbres, de provenances les plus diverses, poussent côte à côte, et rivalisent de fraîcheur et de force. Le chêne, le hêtre, l’orme, le tilleul et les autres essences forestières d’Europe s’élèvent au milieu de leurs nombreux congénères importés des forêts américaines. Un même enclos renferme à la fois les cryptomeria du Japon, les acacias de l’Australie, les proteacées du cap de Bonne-Espérance, le tulipier de la Virginie, le taxodium des bords du Mississipi, les palmiers africains, les aralia de la Chine, le palissandre, l’eugenia du Brésil, l’anona des Antilles, le pin de l’Himalaya, le cèdre du Liban. Même variété dans les arbustes et dans les plantes herbacées qui décorent ces lieux féeriques. Les murs des clôtures disparaissent sous un amas de guirlandes de verdure et de fleurs. Les corolles rouges des bignonia, les grappes bleuâtres des glycines s’y mêlent aux fleurs jaunes du stigmophyllum ciliare et aux larges feuilles gaufrées du diplodœnia splendens. Cette luxuriante végétation est distribuée avec tant de goût et d’art qu’elle semble presque spontanée ; on a besoin d’un effort de réflexion pour se rendre compte du soin qu’il a fallu apporter et de la dépense considérable qu’il a fallu faire pour obtenir un pareil résultat.

Malgré le caractère laborieux et intelligent de la population de Fayal, aucune industrie un peu importante n’a pu jusqu’à présent s’établir dans l’île. Les matières premières proviennent de l’étranger. Le combustible fait défaut. L’unique cours d’eau susceptible de fournir une force motrice utilisable n’est nullement aménagé : il est presque à sec pendant l’été, tandis que l’hiver il se transforme en un torrent fougueux. Certaines entreprises qui semblaient avoir