Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

animales étrangères viennent confirmer du reste la probabilité de cette introduction. L’écrivain national le plus ancien des Açores, le père Fructuoso, qui vivait à la fin du XVe siècle, rapporte que les premiers navigateurs qui abordèrent dans ces îles n’y trouvèrent aucun quadrupède ; par conséquent, non-seulement les races domestiques qu’on y rencontre, mais encore les autres espèces de mammifères, sont toutes d’origine exotique. Le furet a été apporté pour la chasse du lapin, qui avait été introduit le premier et avait pullulé outre mesure. La belette, la souris, le mulot, le rat noir et son ennemi le rat gris ou surmulot, ont été apportés par les navires. On connaît par exemple la date exacte de l’arrivée du rat gris à Terceire. Au commencement de notre siècle, une tempête ayant mis en pièces un bâtiment de commerce dans le port d’Angra, une troupe de ces animaux s’échappa du milieu des épaves et gagna à la nage la ville, où elle s’est multipliée, reléguant le rat noir dans les fermes et dans les villages les plus écartés de l’île. La chauve-souris, commune notamment à San-Miguel, appartient à une espèce nombreuse en Belgique et en Hollande. Or, quand on sait qu’un grand nombre des premiers colons des Açores sont venus des Flandres, on ne s’étonne plus de voir l’unique cheiroptère de ces îles assimilable aux individus d’une espèce flamande. Il y a une quarantaine d’années, on a essayé sans succès d’acclimater le dromadaire ; on a même, par un caprice bizarre, tenté d’introduire le loup. Enfin l’exemple le plus curieux et le plus authentique de tous est celui de l’introduction de la grenouille. En 1820, un riche propriétaire de San-Miguel déposa dans un lac de son île quelques grenouilles apportées de Lisbonne. Depuis lors, ces batraciens se sont multipliés à l’excès, et le soir assourdissent de leurs coasse-mens les bords naguère silencieux des ruisseaux et des nappes d’eau.

Il n’existe aux Açores ni tortue terrestre, ni couleuvre, ni vipère, ni serpent d’aucune espèce. L’embranchement des reptiles n’y est représenté que par un joli petit lézard que l’o.) trouve à Graciosa, seulement dans le voisinage des habitations. Ce lézard (lucertus Dugesil) appartient à une espèce de Madère. H. Drouet, qui le premier en 1860 a signalé ce saurien à l’attention des naturalistes, semble le regarder comme assez rare alors à Graciosa ; mais cette année même, en 1872, j’ai pu constater qu’il était extrêmement abondant dans la même localité, ce qui semble prouver qu’il s’y est rapidement multiplié, et que probablement il y était d’introduction très récente au moment où il a été vu par notre compatriote. Le crapaud a été, il y a peu d’années, importé d’Amérique ; toutefois cette singulière tentative de naturalisation n’a pas réussi ;