Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/633

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précéda les fugitifs en les dénonçant par ses cris, tandis que la lavandière les suivait, s’efforçant d’effacer la trace de leurs pas. Cette naïve croyance assure à ce gentil oiseau, dans toute l’étendue des Açores, le privilège de venir sans être inquiété jusqu’aux portes des habitations.

Jour et nuit, à des heures déterminées, je rampais hors de mon réduit pour faire quelques observations météorologiques. Au milieu de la journée, la température du sol était de deux degrés environ plus élevée que celle de l’air humide qui affluait du sud-ouest, et la nuit la différence devenait plus grande. Vers deux heures de l’après-midi avait lieu le maximum de température, qui ne dépassait pas 10° 1/2 ; à trois heures du matin se produisait le minimum, qui était compris entre 4 et 5 degrés. Pendant ce temps, aux mêmes heures, sur le bord de la mer, à Pico et à Fayal, la température maxima et minima était respectivement de 23 degrés et de 21°,5. Au lieu de se trouver enseveli, comme je l’étais sur la cime du pic, dans un océan nébuleux, on jouissait près du rivage de la clarté d’un soleil resplendissant. D’où venait l’amoncellement des nuages autour du sommet de la montagne ? Il ne pouvait évidemment être attribué à une condensation des vapeurs de l’atmosphère au contact du terrain, puisque le thermomètre accusait une température du sol supérieure à celle de l’air ambiant. Une autre explication plus plausible se présente à l’esprit quand on observe ce qui se passe. L’atmosphère peut être considérée comme composée de couches d’autant plus denses, plus chaudes et plus chargées de vapeur d’eau qu’elles occupent un niveau plus bas. Charriées ensemble par les vents, elles se meuvent dans un espace limité, en conservant leur équilibre réciproque et leurs conditions physiques normales ; mais, si elles rencontrent devant elles l’obstacle d’un massif montagneux, la force qui les pousse continue de les presser, et les oblige à continuer leur route en se. déviant. Une partie de l’air des couches inférieures s’écoule à droite et à gauche du mont, une autre portion s’élève, chassée comme par une brise ascendante, se mêle aux couches supérieures, qui sont plus froides, et bientôt en partagera température. Alors la vapeur dont elles sont chargées devient plus que suffisante pour les saturer, une condensation s’opère, des. nuages naissent et grossissent, quelquefois avec une grande rapidité. De loin, la cime de la montagne semble entourée d,’une brume immobile ; mais, quand on y stationne, on constate aisément le mouvement qui y règne et la succession des amas de brouillard amenés par le courant d’air qui monte. Ces phénomènes se prolongent parfois durant des mois entiers, sans qu’un rayon de soleil éclaire le cône terminal. A l’ombre fréquente