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cellulaire subi à Mountjoye, l’autre de travaux publics en commun à Spike-Island. La période d’isolement ne durait en général que huit mois ; mais les détenus étaient soumis à un traitement plus rigoureux qu’à Pentonville. Ainsi ils ne mangeaient pas de viande pendant les quatre premiers mois, et étaient soumis, dans leur cellule, à des travaux pénibles et rebutans.

Dans la seconde période, les condamnés étaient divisés en classes, non pas d’après la nature de leurs crimes, mais d’après leur application au travail et leur conduite dans la prison. Ils pouvaient obtenir comme récompense finale une libération provisoire. Les notes mensuelles du directeur, du chapelain, du maître d’école, avaient été remplacées par un système de comptabilité qui permettait aux détenus de se rendre compte jour par jour de leurs progrès vers la libération, et qui fermait la porte autant que possible à toute appréciation arbitraire ; nous retrouverons bientôt ce système dans les prisons anglaises. Une autre différence plus importante existait entre le régime irlandais et le régime suivi en Angleterre : en Irlande, le libéré provisoire était soumis à une surveillance rigoureuse, et la loi qui ordonnait de renvoyer en prison les libérés en cas de mauvaise conduite n’était pas une lettre morte comme en Angleterre ; mais le trait le plus original du système irlandais avait été la création de prisons intermédiaires. Les condamnés dont la conduite avait été irréprochable durant les épreuves de Mountjoye et de Spike-Island étaient envoyés soit à Lusk, soit à Smithfield, pour y passer les derniers mois qui les séparaient encore de la libération provisoire. Durant ce dernier stage, ils jouissaient des avantages d’une demi-liberté ; réunis par petits groupes de cinquante ou soixante au plus, ils ne portaient plus le costume de la prison, et pouvaient presque être considérés comme des travailleurs ordinaires. Le but que s’était proposé sir W. Crofton était double : d’abord il devait être plus facile, dans ces prisons intermédiaires, de s’occuper de chacun des condamnés, d’étudier leur caractère, d’achever leur éducation, de gagner leur confiance et de les préparer à l’épreuve décisive qui les attendait au sortir de la prison. Ce premier but paraît avoir été complètement atteint : tous ceux qui ont visité les établissemens de Lusk et de Smithfield ont été frappés de l’ordre qui y régnait et des bienfaits qui résultaient pour les condamnés de la substitution d’une discipline en quelque sorte purement morale à la contrainte matérielle. Hâtons-nous de dire que le capitaine Crofton fut admirablement servi par l’intelligence et le dévoûment d’un simple maître d’école, M. Organ. C’est à lui en grande partie qu’est dû le succès des prisons intermédiaires. Dans des conférences qui avaient lieu tous les soirs, M. Organ s’attachait à donner aux condamnés des notions exactes de morale,