Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se jeter sur cette question romaine. Heureusement cet incident est terminé. M. de Bourgoing en est pour la démission qu’il a bien fait de donner, puisque c’est ainsi qu’il entendait son rôle. Il est remplacé par M. de Corcelles, qui a paru hésiter d’abord, et qui n’a évidemment accepté de rester comme ambassadeur auprès du saint-siége que parce qu’il a cru pouvoir concilier les égards dus au souverain spirituel de l’église et les nécessités de la politique française. Ce qu’il y aurait de mieux maintenant serait de laisser retomber dans l’oubli les interpellations qu’on annonçait. Ce serait certainement utile de toute façon, car enfin à quoi veut-on arriver ? Veut-on simplement garantir la liberté du souverain pontife ? Cette liberté, quoi qu’on en dise, est entière. La France peut même maintenir dans les eaux italiennes un navire qui reste à la disposition du pape, lorsque le gouvernement italien pourrait après tout dire qu’un navire dans ses eaux équivaut à un régiment sur son territoire. Si l’Italie parlait ainsi, que pourrait-on répondre ? D’un autre côté, croit-on qu’il soit bien utile de se livrer sans cesse à des récriminations blessantes, de troubler les rapports d’amitié, de cordialité qui doivent exisler entre l’Italie et la France ? La meilleure politique est celle qui ne parle pas inutilement et qui sait garder ses amis naturels au lieu de s’aliéner ceux qui n’ont aucune raison d’être des ennemis.

Depuis que l’année est commencée, l’Allemagne en est à se demander par tout ce qu’elle a de journaux, et même par ses principaux orateurs parlementaires, quelle est la vraie signification d’une sorte de crise ministérielle qui s’est récemment produite à Berlin. Est-ce une crise ministérielle ? C’est là justement la question sur laquelle les commentaires se succèdent, que toutes les explications des journaux officiels ou semiofficiels n’ont pas contribué à rendre plus simple, et que les ministres eux-mêmes, interpellés dans le parlement, n’ont peut-être pas eu le don d’éclaircir. Toujours est-il que pour ces premières heures de l’année il y a eu en Prusse un changement assez sérieux, quoiqu’il garde encore un certain caractère énigmatique. M. de Bismarck, qui a passé ces derniers mois à Varzin, qui a laissé le ministre de l’intérieur, le comte Eulenbourg, et ses autres collègues se débattre dans une sorte de conflit avec la chambre des seigneurs à l’occasion de la réforme de l’organisation provinciale et communale, M. de Bismarck est rentré à Berlin, et après une entrevue qu’il a eue aussitôt avec l’empereur Guillaume, il a donné sa démission de président du conseil dans le cabinet prussien ; M. de Bismarck reste, il est vrai, ministre des affaires étrangères de Prusse, et ne quitte pas bien entendu le poste supérieur de chancelier de l’empire. Le ministre de la guerre, le général de Roon, a reçu d’abord la délégation de la présidence du conseil à titre provisoire et comme doyen d’âge ; mais bientôt un nouveau rescrit royal ou impérial a fait le géné-