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a nui, et qu’elle a contribué à en abréger la durée? N’est-ce pas un coup d’état tenté par le roi Charles X qui a déterminé la chute de la monarchie de la restauration, et la politique personnelle du roi Louis-Philippe dans l’affaire des mariages espagnols, par exemple, a-t-elle contribué à consolider la monarchie de juillet? Non; la pièce principale de la monarchie constitutionnelle, celle qui a maintenu son existence pendant trente-quatre ans, ce n’est pas la royauté héréditaire, c’est, osons le dire, le « pays légal » malgré ce qu’il avait de défectueux et d’exclusif.

L’institution du pays légal assurait en effet la sécurité de possession de la classe dirigeante, tout en sauvegardant la propriété. Si les changemens de ministère modifiaient trop fréquemment peut-être la direction politique du pays, ces changemens ne compromettaient point la situation de la généralité du personnel des fonctions publiques. La masse des fonctionnaires n’en était pas atteinte, ni les administrateurs ni les administrés n’avaient à redouter ce remplacement radical d’un personnel par un autre dont les États-Unis, nous offrent le spectacle, et qui serait en France, sous le régime du suffrage universel, la conséquence inévitable de l’avénement d’une nouvelle couche sociale. D’un autre côté, l’institution du pays légal, en concentrant la puissance politique entre les mains des propriétaires, assurait entièrement la propriété contre le risque d’une « liquidation sociale. » Malheureusement elle ne garantissait pas au même degré la liberté, et elle périt, comme tout monopole, faute de contre-poids. Par un mouvement naturel de réaction, la révolution de février alla d’un extrême à l’autre : la monarchie constitutionnelle avait exclu du « pays légal » la grande majorité de la nation, la république l’y fit entrer tout entière. Aussitôt apparut ce double risque inhérent à la souveraineté du nombre : risque de dépossession pour le personnel dirigeant, risque de confiscation pour la propriété, engendrant par une autre réaction en sens inverse le recours à la dictature.

On voit en définitive par l’expérience de ces cinquante dernières années que les garanties nécessaires à la sécurité publique n’ont existé en France à dose suffisante que sous le régime du « pays légal » ou sous celui de la dictature. Entre ces deux régimes, le choix ne saurait évidemment être douteux. Le problème à résoudre pour rendre la république acceptable et par conséquent viable consisterait donc à y introduire l’institution du pays légal avec le contre-poids qui lui manquait sous la monarchie constitutionnelle. Ce problème, dont on aperçoit toute l’importance, se lie de la façon la plus intime, il est à peine besoin de le faire remarquer, à la question des deux chambres. Il n’a pas été résolu par la constitution de