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d’un recrutement à peu près volontaire. Depuis la révolution, les armées se recrutent par voie d’impôt, et leur nombre n’a plus d’autre limite que celle de la récolte annuelle des hommes mûrs pour le service militaire. La conscription elle-même ne suffisant plus, on l’a remplacée par le service entièrement obligatoire. Ces effectifs de plus en plus nombreux que l’on enlève aux travaux productifs, il faut les entretenir, au moins en partie, d’une manière permanente, il faut encore les pourvoir d’un armement qui devient chaque jour plus efficace, et aussi plus dispendieux. C’est ainsi que la paix subit un renchérissement continu, ce qui n’empêche pas, hélas! les guerres de coûter infiniment plus cher. C’est par milliards qu’on en calcule maintenant les frais, et si l’on songe que les guerres futures mettront aux prises tout ce que les nations belligérantes pourront fournir d’hommes valides, pourvus d’un armement qu’on s’ingénie sans cesse à perfectionner, si l’on songe que la richesse accumulée sous toutes les formes, exposée aux ravages des armées, va de même en s’augmentant, on acquerra la triste conviction que le prix de la guerre est destiné à monter plus encore que celui de la paix. La conclusion pratique qu’il faut tirer et de cette multiplication des risques de guerre et de cette aggravation des frais et des dommages que la guerre occasionne de nos jours, c’est que les gouvernemens doivent se tenir continuellement en éveil pour éviter des conflits que tant de points de contact entre eux et entre leurs nationaux, sans parler de leurs alliés, peuvent inopinément faire surgir, qu’ils doivent être toujours prêts, politiquement et militairement, à faire face à des agressions qu’il est quelquefois hors de leur pouvoir d’éviter, et qui peuvent causer des pertes et des dommages hors de toute proportion avec ceux des anciennes guerres. Une politique extérieure inhabile, téméraire ou imprévoyante, un état militaire affaibli par la routine, n’exposeront-ils pas en effet aujourd’hui plus que jamais une nation à subir des revers mortels pour sa prospérité et sa puissance?

La sécurité intérieure est-elle plus facile à sauvegarder? Nous ne nous arrêterons pas aux dangers que les crimes ou les délits privés font courir aux personnes et aux propriétés. Quoique l’art de la police ait encore plus d’un progrès à faire, il suffit à sa tâche dans la plupart des états civilisés; mais il est un autre péril plus étendu et plus menaçant pour la société tout entière, et contre lequel les moyens de police demeurent impuissans : nous voulons parler de celui qui résulte de l’existence et de la propagande de cet ensemble confus de doctrines antisociales connues sous la dénomination générique de socialisme. A vrai dire, ce péril n’est pas