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plus possible. En Angleterre, en Prusse, aux États-Unis, on en a fait une sorte de taxe somptuaire en portant la limite de l’exemption jusqu’à 100 livres sterling ou 2,500 francs en Angleterre, à 3,700 francs en Prusse, à 1,000 dollars ou 5,000 francs aux États-Unis. La moindre de ces limites serait trop élevée pour notre pays, où les fortunes sont très divisées. Si on exemptait les revenus au-dessous de 2,500 francs, les 7/8es de la fortune publique échapperaient à l’impôt, et au-dessous de 1,200 francs les 3/4 encore ne paieraient rien. Il faut donc en France abaisser beaucoup la limite; on pourrait la faire descendre comme en Italie jusqu’à 250 francs. Cela serait d’abord plus conforme au principe que chacun doit l’impôt en proportion de ses moyens, et ensuite on obtiendrait plus aisément des sommes assez importantes. Pour trouver en France la taxe de 150 millions sur le revenu en plaçant la limite d’exemption à 2,500 francs, il faudrait demander peut-être jusqu’à 10 et 12 pour 100 aux revenus supérieurs à ce chiffre, et 4 ou 5 pour 100 au moins si la limite était à 1,200 francs, tandis que si on l’abaisse à 250 francs, c’est-à-dire à un chiffre au-dessous duquel la cote devient trop insignifiante pour être établie, 2 pour 100 suffiraient largement pour procurer les 150 millions. Avec un taux de 2 pour 100, on évite beaucoup des inconvéniens qu’on reproche à l’impôt du revenu. Les déclarations seront plus sincères, et le montant de la taxe entrera facilement dans le mouvement des transactions.

Mais au lieu d’adopter purement et simplement cette taxe, qui eût été très modérée à cause de sa généralisation, et qui aurait produit beaucoup, on a préféré faire des distinctions, imposer certains revenus plutôt que d’autres. Il en est résulté qu’on est entré en plein arbitraire et qu’on a dû imposer d’autant plus les revenus qu’on choisissait. La nouvelle taxe sur les valeurs mobilières, jointe à celles qui existaient déjà pour l’abonnement au timbre et à la transmission, élève les droits qu’ont à supporter ces valeurs à plus de 6 pour 100, c’est-à-dire qu’une obligation de 15 francs de revenu n’en rapporte plus que 14, et cependant le produit de cet impôt si lourd, et qui a déjà des effets fâcheux, car il nuit à la formation d’entreprises nouvelles, n’est pas évalué au-delà de 30 millions. On peut ajouter encore qu’il donne lieu dans l’application à des choses excessives. Voilà une entreprise par actions qui a deux sortes de profit : le premier, qu’elle retire directement de ses affaires et qui est imposé à raison de 3 pour 100, indépendamment des autres droits afférens aux actions, — le second, qui lui vient de son fonds de réserve ou de son capital social, placé en actions ou obligations d’une entreprise différente. Paiera-t-elle l’impôt sur cette seconde source de profits? C’est, dit-on, la prétention du fisc. Alors elle le