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en est résulté plus de travaux, et on a retrouvé bien vite en augmentations de salaire et de profit au-delà de ce qu’on avait payé à l’octroi. M. Gladstone, ayant à s’expliquer sur l’effet produit par l’abolition des corn-laws, et constatant que la vie en somme était peut-être aussi chère que par le passé, déclarait que le principal avantage de la mesure avait été d’augmenter les échanges avec le dehors. « Je n’hésite pas à dire, ajoutait-il, que c’est une erreur de supposer que le meilleur moyen d’être utile aux classes ouvrières soit d’agir sur les matières qu’elles consomment; si vous voulez leur faire plus de bien, il faut leur donner plus de travail. » Tout est là en effet pour les classes ouvrières. Préoccupez-vous de tout ce qui peut augmenter la production, et la question de l’impôt devient accessoire.

Nous voudrions répondre encore à d’autres objections qui ont été faites contre les taxes indirectes et qui ont une certaine importance; on dit qu’elles sont un obstacle à la liberté du commerce, qu’elles créent des monopoles et produisent un renchérissement supérieur à la somme qu’elles rapportent. Cette thèse a été surtout soutenue avec beaucoup de talent, dans un travail récent intitulé Financial reforms, par un économiste anglais distingué, M. Cliffe Leslie. Que ces taxes soient un obstacle à la liberté absolue du commerce, en ce sens que certaines marchandises ne peuvent pas se mouvoir sans passer sous les yeux du fisc, c’est incontestable. S’il s’agit d’une denrée produite à l’intérieur et soumise à un droit, il faudra la déclarer au percepteur avant de la livrer à la consommation. C’est une gêne. Si elle arrive du dehors, elle devra subir la visite de la douane avec une perte de temps plus ou moins considérable; mais quelle est dans la société la liberté qui soit absolue et qui n’éprouve pas de restriction? Il n’y en a aucune. Du moment que nous nous réunissons pour nous procurer les avantages qui résultent de l’association, il y a des règlemens auxquels nous sommes tenus d’obéir; ces règlemens sont des entraves à la liberté absolue. Si on veut vendre certaines denrées alimentaires sur un marché et même en magasin, on est soumis à des inspections de police dans l’intérêt de la salubrité publique. La liberté de commerce ne va pas jusqu’à me permettre de vendre des viandes avariées ou du poisson gâté; il est défendu également de faire travailler des enfans au-dessous d’un certain âge et au-delà d’un certain temps; on ne pourrait pas non plus exercer certaines professions sans être muni d’un diplôme, etc.; ce sont autant d’obstacles à la liberté industrielle et commerciale. Qui peut s’en plaindre? Ces entraves sont établies au nom d’un intérêt supérieur qui est le salut de la société. Il en est de même des lois fiscales. Le gouvernement a besoin