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consommation de luxe, ce qui serait impossible, mais dans plusieurs, il faudrait certainement doubler le prix des choses atteintes ; or peut-on supposer que, si l’on devait payer le café à francs la livre au lieu de 2, le sucre 2 francs au lieu de 1, des étoffes de soie 20 francs au lieu de 10, il n’y aurait rien de changé dans les conditions économiques, et que la consommation resterait la même ? Évidemment non, le trouble apporté dans les relations commerciales serait considérable, et les salaires seraient les premiers à en souffrir. Cet impôt des boissons, qui compte aujourd’hui pour 318 millions, donnait 101 millions en 1847, 250 millions en 1869 avant les dernières aggravations ; il a produit davantage par le seul fait du développement des consommations. L’impôt du sel, lorsqu’il existait dans sa plénitude avec les 3 décimes par kilogramme avant 1848, gagnait de 3 à 4 millions par an ; il n’a pas gagné davantage depuis qu’il a été réduit à 1 décime. Il n’y a pas d’argument meilleur pour montrer que cette réduction a été inopportune, sans intérêt sérieux, et qu’elle a fait perdre chaque année au trésor gratuitement une somme considérable qu’on serait fort heureux de retrouver aujourd’hui.

Enfin on se plaint beaucoup des taxes d’octroi, particulièrement à Paris et dans les grands centres de population. On prétend qu’elles nuisent à la consommation ; or voici les faits, nous les empruntons à un travail de statistique dressé avec soin par un homme très compétent, M. Clément Juglar, et sur les publications de la ville de Paris. La viande de boucherie est frappée à l’octroi de la capitale d’un droit de 10 centimes par kilogramme. On l’avait aboli un moment en 1848 ; on a dû le rétablir, parce que la suppression n’avait profité à personne, excepté aux bouchers, qui vendaient la viande toujours au même prix. Le vin paie également à l’octroi 20 francs par hectolitre ; ce sont des denrées de première nécessité l’une et l’autre. Eh bien ! de 1840 à 1867, l’augmentation par tête de la consommation de la viande a été de 17 kilogrammes, et celle du vin de 100 litres. On a pu faire les mêmes remarques pour Bordeaux et pour Lyon, tandis que, suivant M. Juglar, les consommations de luxe, qui sont généralement affranchies de l’octroi, ont augmenté dans la même période d’une façon insignifiante.

Sans doute il vaudrait mieux que la ville de Paris pût se passer de ses taxes sur la viande et sur le vin ; la consommation s’accroîtrait encore davantage. Il faut pourtant reconnaître que, telles qu’elles sont, elles n’ont pas arrêté le progrès, elles sont entrées dans le prix des choses et ont seulement rendu la vie un peu plus chère ; mais on a eu des compensations, la ville a été mieux entretenue, plus élégante, les étrangers y sont venus en plus grand nombre, il