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une quantité plus ou moins forte de ces choses qui est nécessaire à tout le monde, et il arrive, comme pour le sel par exemple, que celui qui est le moins riche en consomme le plus, parce qu’il n’a rien à lui substituer, et que, sa nourriture étant de qualité inférieure, il a besoin de la relever par ce stimulant. Ce qui a fait dire à quelques économistes que les impôts sur les objets de première nécessité étaient des impôts progressifs à rebours, qu’ils frappaient d’autant plus qu’on était moins riche. Si cela était vrai, on serait dans un grand embarras et dans un cercle vicieux, car d’une part ce sont les impôts les plus productifs, il est difficile de s’en passer, et d’autre part on ne devrait pas les établir, attendu qu’ils violeraient la première loi en fait de taxes, qui est la proportionnalité.

Heureusement qu’il n’en est pas ainsi. L’homme qui travaille, — on ne peut parler que de celui-là, car la personne oisive est une exception et en dehors des lois économiques, — celui donc qui vit d’un salaire, d’un traitement ou d’un profit industriel ne supporte pas exclusivement l’impôt sur les denrées qu’il consomme, qu’elles soient ou non de première nécessité. Pourquoi le supporterait-il? Est-ce qu’il prend à sa charge exclusive le renchérissement qui pour d’autres raisons plus sensibles vient à se produire? Est-ce que sa situation est restée la même après l’augmentation qui a eu lieu sur le prix de la viande, des légumes, et avec l’élévation des loyers dans les grandes villes? Sans doute il y a une époque de transition pendant laquelle il éprouvera quelques embarras, surtout si l’élévation des prix se manifeste très rapidement. Les salaires, les traitemens, les profits, ne se mettront pas immédiatement au niveau; mais l’équilibre ne peut pas tarder à se rétablir, il est dans la force des choses, autrement il n’y aurait pas d’harmonie dans les lois économiques. Le salaire, pour parler de ce qui est le plus intéressant, est porté à un certain taux en vertu de la loi générale de l’offre et de la demande, du rapport qui existe entre le nombre des travailleurs et le besoin que l’on a du travail ; mais ce rapport lui-même est subordonné à de certaines règles : il faut que chacun vive de son travail, et en vive dans des conditions qui représentent l’état de la civilisation et de la richesse du pays que l’on habite. Dans une société qui est en progrès, le renchérissement de certaines denrées, et surtout des denrées alimentaires, a lieu parce que la richesse s’accroît et que chacun consomme plus, et, comme il faut produire davantage pour satisfaire à des besoins plus nombreux, il en résulte naturellement que le travail est plus recherché et partant plus rétribué. Les salaires augmentent ainsi que les profits, ainsi que le revenu de la terre et du capital. Du bas de l’échelle sociale au sommet, tout le monde gagne plus; telle est la loi économique. Qu’avons-nous vu