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le commerce et l’industrie répandre leurs bienfaits? La liberté des fleuves, c’est l’esprit de solidarité substitué aux tendances exclusives, l’activité à l’inertie, la civilisation à l’ignorance, le progrès à la barbarie. Les gouvernemens européens, dans leurs rapports avec les divers états de l’Amérique du Sud, avaient bien souvent invoqué les principes libéraux de l’acte final des traités de Vienne sur la liberté des fleuves. Longtemps on opposa une fin de non-recevoir à cette demande si légitime, si conforme aux intérêts mêmes de ceux à qui elle était adressée ; mais la vérité finit par prévaloir sur l’erreur, et le progrès sur la routine. Les puissances ont obtenu dans la Plata, par les traités de 1853, une reconnaissance solennelle du principe de la liberté des fleuves, et voici que le Brésil, par son dernier traité avec le Paraguay, proclame la libre navigation des grands cours d’eau dont ce pays est entouré. Il reste encore bien des réformes à réaliser pour que tous les bienfaits de cette déclaration puissent être recueillis par les riverains et les étrangers; mais le temps n’est pas éloigné où la pratique s’accordera pleinement avec la théorie.

En résumé, si l’on jette en ce moment un coup d’œil général sur l’ensemble des états de l’Amérique du Sud, on constate une amélioration sensible par rapport aux dernières années. Le Pérou, sorti d’une crise tragique, mais éphémère, se fortifie sous une administration libérale. Les trois autres états du Pacifique, — la Bolivie, le Chili, l’Equateur, — ont terminé, comme le Pérou lui-même, leurs querelles avec l’Espagne, et le bruit des armes a cessé. Le différend qui s’était élevé, il y a quelques semaines, entre le cabinet de Santiago et le gouvernement bolivien a été réglé à l’amiable. Au même moment s’aplanissaient, grâce à la mission du général Mitre à Rio, les contestations graves survenues, depuis la fin de la guerre contre Lopez, entre le Brésil et la confédération argentine. Dans ce dernier pays, les fédéralistes ne luttent plus à main armée contre les unitaires, et, dans la république orientale, la guerre civile est également finie. Puisse cet apaisement continuer, de l’Atlantique au Pacifique et de la mer des Antilles au détroit de Magellan! Dans ces parages, la paix est le synonyme de la civilisation, et l’Amérique méridionale tout entière y trouvera la meilleure garantie de son avenir, la sauvegarde la plus efficace de ses progrès et de sa prospérité.