Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la presse. En 1871, les corps insurgés arrivaient jusqu’à cinq ou six lieues de la capitale ; la guerre civile rendait les élections impossibles. Les forces des blancs et des rouges parcouraient alternativement le territoire en tout sens, ravageant les campagnes, arrêtant les laboureurs, frappant les villages de contributions, ruinant les estancias, paralysant le commerce et anéantissant l’agriculture, seule richesse du pays. La crainte d’une intervention du cabinet de Rio ou du cabinet de Buenos-Ayres, une crise financière d’une extrême gravité, de sérieuses difficultés diplomatiques avec les représentans de l’Italie, du Brésil et de l’Angleterre, par suite de réclamations non réglées, telles étaient les complications de toute nature avec lesquelles l’Uruguay se trouvait aux prises, quant au mois de mars dernier le général Battle, dont les pouvoirs étaient expirés, descendait du fauteuil présidentiel. Les élections n’ayant pu se faire à cause de la guerre civile, c’est le président du sénat, M. Thomas Gomensoro, qui prit en main provisoirement le pouvoir exécutif; animé de dispositions loyales et conciliantes, il songea tout d’abord à pacifier le pays. Un armistice eut lieu entre le gouvernement et les blancos, sous la médiation du ministre des affaires étrangères de la confédération argentine, et le traité de pacification fut signé le 6 avril dernier. Les officiers qui avaient servi dans les rangs des troupes insurgées conservaient leurs grades, et il était stipulé que, sur les treize préfectures, quatre auraient pour titulaires des blancos. Le pays applaudissait avec enthousiasme à la fin d’une guerre civile sans motif et sans but.

Il ne faut pas croire pourtant que les blancs et les rouges aient terminé leurs discussions. Ils combattent encore, non plus par les armes, mais par les clubs, par les journaux, et les fusionistes, qui voudraient faire disparaître les traces de ces vieilles querelles, rencontrent les plus grands obstacles. Ne serait-il pas cependant désirable qu’il n’y eût plus dans l’Uruguay ni blancos ni colorados, qu’il n’y eût que des citoyens d’une même patrie? L’apaisement des esprits est d’autant plus urgent que la situation financière exige de prompts remèdes. La liberté des banques n’a pas profilé au pays, et si le gouvernement oriental, au lieu d’autoriser des particuliers ou des compagnies à émettre des billets, eût réservé ce droit à une banque nationale, il aurait peut-être trouvé dans une pareille institution des ressources précieuses, ainsi que cela se pratique à Buenos-Ayres. Désireux d’améliorer la situation économique, qui est grave, le gouvernement a beaucoup réduit le budget des dépenses, et les forces militaires de l’état consistent aujourd’hui en quatre bataillons d’infanterie et un régiment d’artillerie. Aux termes de la constitution, les chambres, qui se réunissent le 15 février prochain, nommeront le président de la république, et