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depuis les trois années qui viennent de s’écouler, pour acquérir la conviction que la paix extérieure et intérieure est pour eux le premier de tous les biens.


II.

Le Brésil a célébré, le 7 septembre 1872, le cinquantième anniversaire de son indépendance. La dynastie, tige de l’antique maison de Bragance, a jeté dans le sol brésilien des racines profondes. La constitution, fondée sur la souveraineté et la représentation nationale, fonctionne d’une manière régulière; les chambres discutent librement; les partis, qui d’ailleurs sont fidèles aux institutions et à la dynastie, s’agitent avec animation, avec acharnement parfois, mais sans jamais sortir des bornes de la légalité. Cette stabilité politique est la principale cause des progrès du Brésil. Cet immense pays, qui représente à lui seul plus des deux cinquièmes du continent de l’Amérique du Sud, renferme des richesses naturelles dont l’exploitation est à peine commencée. Plongeant dans les profondeurs du continent et adossé par sa frontière occidentale à tous les anciens états espagnols, il les divise en quelque sorte, et n’a point, quant à lui, son territoire coupé ou morcelé. Avec sa fixité de direction, le Brésil a pu souvent faire prévaloir ses vues sur celles des gouvernemens éphémères qui se succédaient dans les pays voisins, mais il serait dangereux pour lui d’abuser de cette supériorité, et le cabinet de Rio comprend très bien que c’est en s’attachant aux œuvres de la paix qu’il dissipera les inquiétudes, qu’il empêchera les jalousies, et qu’il poursuivra, dans des conditions à la fois calmes et honorables, sa carrière civilisatrice.

Pendant dix mois, l’empereur, qui s’était rendu en Europe, est resté absent de son empire, et, chose qui prouve la solidité des institutions brésiliennes, le calme n’a pas été un instant troublé. Une grave question, une question vitale qui intéresse plus qu’aucune autre l’avenir du Brésil, a même été réglée pendant cette période, et le souverain, à son retour dans sa capitale le 30 mars dernier, y a trouvé en vigueur la nouvelle loi sur l’extinction graduelle de l’esclavage. Il arrive souvent qu’après de violentes secousses, après de grands fléaux, les peuples voient se réaliser des réformes qui sont pour ainsi dire la compensation de leurs épreuves. L’égalité devant la loi a consolé la France des catastrophes de la révolution, comme la liberté religieuse avait été pour l’Allemagne la suite de la guerre de trente ans. L’esclavage a disparu aux États-Unis après la guerre de sécession, et voici qu’au Brésil, la guerre du Paraguay une fois finie, cette institution sacrilège est atteinte par des mesures qui