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L’alliance d’un empire et de deux états républicains, si souvent opposés les uns aux autres, avait été une combinaison très difficile à réaliser. L’on ne devait donc pas s’étonner outre mesure des difficultés qui s’élevaient entre les vainqueurs. La confédération argentine avait peut-être compté, pour établir son influence au Paraguay, sur des similitudes de situation ; mais il arrive quelquefois que ce sont précisément ces rapports qui divisent, parce qu’ils engagent le plus faible, s’il attache du prix à son autonomie, à se tenir en méfiance. C’est le fait qui se produisit au Paraguay après la guerre. Quant au Brésil, il revenait, par la force des choses, à sa politique traditionnelle, qui est de considérer le Paraguay comme une barrière naturelle entre l’empire et la confédération argentine. Il fit donc tous ses efforts pour établir à l’Assomption un gouvernement formé d’élémens nationaux, et le président Rivarola, sorti de l’élection favorisée par le gouvernement brésilien, s’appuyait sur le cabinet de Rio. Toutefois les négociations pour la paix définitive n’avançaient pas. Le plénipotentiaire argentin, M. Quintana, quittait l’Assomption, et la crise s’était compliquée d’un nouvel incident. Dès qu’il avait vu le Paraguay échapper à son influence, le gouvernement argentin avait fait valoir les droits qu’il revendiquait sur le Chaco, vaste territoire qui est un désert rattaché à la république paraguayenne, et qui est situé à l’ouest du Rio-Paraguay, près de la Bolivie. Les troupes argentines occupèrent Villa-Occidental, chef-lieu de ce territoire, au mois de novembre 1869. Enfin un décret du président Sarmiento érigea purement et simplement le Chaco en territoire argentin. Au fond, les troupes de la confédération n’occupaient que Villa-Occidental, bourg situé au sud, le reste n’étant qu’un vaste désert pour ainsi dire inexploré. Le cabinet de Rio ne s’inquiétait pas moins de cette résolution. Il trouvait que, si la république de la Plata dominait définitivement cette solitude, elle pourrait fermer tout débouché aux provinces de l’intérieur du Brésil en devenant maîtresse du cours du Rio-Parana.

Les choses en étaient là, quand à Buenos-Ayres se répandit tout à coup une rumeur qui produisit une vive émotion dans les sphères politiques. Le Brésil, sans consulter et sans prévenir ses alliés, venait, de traiter séparément avec le Paraguay. Le négociateur brésilien à l’Assomption, le baron de Cotegipe, avait signé trois traités avec le gouvernement paraguayen, un traité de paix, un traité de limites et un traité d’extradition. Le traité de paix contient les clauses suivantes. Il met à la charge du Paraguay les frais de guerre, somme énorme que le cabinet de Rio n’a certes pas l’intention de réclamer en entier; à Rio en effet, on évalue généralement à 1 milliard 500 millions les dépenses occasionnées au gouvernement brésilien