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on a pu le reconnaître, fort habilement combinées pour donner à la fois satisfaction au public et à l’administration ; elles exigent une surveillance de toutes les minutes et une ponctualité exemplaire. Il faut se mettre en garde contre les réclamations d’emprunteurs peu scrupuleux; aussi a-t-on soin d’indiquer toutes les avaries dont sont atteints les nantissemens offerts, et parfois cependant l’on se trouve fort embarrassé lorsqu’un employé novice ou ahuri a mal libellé une reconnaissance, comme celle-ci, que j’ai vue et qui portait pour désignation : une camisolle de cuivre. Les comptes des années 1870 et 1871 ne donneraient qu’une idée imparfaite du mouvement du mont-de-piété; les événemens y avaient apporté un trouble profond. La dernière année normale est 1869 ; elle n’accuse pas une activité exceptionnelle, néanmoins les chiffres sont importans, ils démontrent la puissance de cet organe de crédit, ils prouvent à quel nombre considérable de personnes il rend service : le total des engagemens a été de 1,772,596, représentant une somme de 34,453,860 francs ; on a renouvelé 334,360 nantissemens équivalant à un prêt de 14,469,687 fr.; 1,572,087 dégagemens ont fait sortir des objets sur lesquels on avait avancé 32,595,087 fr.; enfin 162,254 articles vendus ont produit 2,576,806 fr., sur lesquels 689,568 francs, figurant 91,426 bonis, ont été restitués aux ayant-droit. Il est superflu d’insister ; à la seule inspection de pareils chiffres, on comprendra que le mont-de-piété est au premier chef un établissement d’utilité publique.


III.

On s’imagine généralement que le mont-de-piété fait des opérations d’autant plus fréquentes et des affaires d’autant plus fructueuses que le mouvement commercial est arrêté par une crise, que les ouvriers sont en chômage, que la politique neutralise les efforts de l’industrie. Rien n’est plus faux ; c’est exactement le contraire qui se produit. Le mont-de-piété suit fidèlement toutes les oscillations de la prospérité publique, il dort et s’éveille en même temps qu’elle ; aussi bien que la cote de la Bourse, le tableau journalier des engagemens et des dégagemens est un infaillible thermomètre. Cela s’explique par ce fait assez peu connu, que le mont-de-piété est le banquier de tout le petit commerce et notamment de la petite fabrication de Paris ; c’est de là, et non d’ailleurs, que lui vient sa clientèle la plus sûre, la plus nombreuse et je dirai la plus reconnaissante, car sans lui toute cette portion extrêmement intéressante de notre population serait dévorée vivante par la race des argentiers interlopes, des usuriers déguisés, des escompteurs à taux impudens, qui exigeraient des intérêts bien autrement éle-