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minée, qu’il diminue celle qui lui est offerte. J’ai vu le fait à propos d’un bracelet pour lequel on proposait 1,300 francs : la personne qui l’apportait n’en voulut que 1,200 ; dans ce cas, sur le bulletin, sur la reconnaissance, sur les registres on écrit le mot requis, à la suite de l’énoncé du prêt. Quand il n’y a plus de public, dans cet intervalle toujours très rapide pendant lequel la salle d’attente est libre, on appelle : les commissionnaires! Alors le garçon peseur présente les articles engagés la veille dans les bureaux de commission et qui dès le matin, avant neuf heures, ont été déposés en bloc, contre récépissé, au chef-lieu du mont-de-piété. Tous les lots sont examinés les uns après les autres par le commissaire-priseur, qui vérifie l’appréciation et la modifie péremptoirement. Le plus souvent les deux évaluations concordent, parfois celle du commissaire-priseur est supérieure, mais il arrive aussi qu’elle est inférieure. Dans ce cas, le commissionnaire, qui passe tous les jours à la caisse du mont-de-piété pour y toucher le montant des prêts qu’il a faits directement la veille aux emprunteurs, ne reçoit que la somme édictée par le commissaire-priseur, et reste à découvert du surplus, lequel alors prend le nom d’avance. A cela, il n’y a pas grand mal; mais en admettant qu’un commissionnaire ait prêté 200 francs, que ceux-ci aient été réduits à 150 par l’appréciateur en dernier ressort, cela fait une différence de 50 francs qu’il ne peut ressaisir, sur lesquels il touchera 6 pour 100 d’intérêt, et qui pour cette somme le constituent prêteur sur gage, ce qui est absolument irrégulier et illégal.

On procède à la seconde division exactement comme à la première : au lieu d’avoir à évaluer des bijoux, on apprécie des étoffes, des châles, des livres, des instrumens de musique, des matelas, des cadres dorés. Là le mouvement est plus actif, et l’on voit parfois apparaître sur la table de pauvres nippes qui exigent un prêt de charité qu’on ne refuse guère; le minimum est fixé à 3 francs, et, pour les accorder, il faut savoir ne pas regarder de trop près. Il est un autre endroit dans l’administration où l’on contracte aussi des engagemens : c’est le cabinet du directeur, car le mont-de-piété est autorisé à faire des engagemens secrets, afin de ménager certaines susceptibilités et de respecter des pudeurs trop promptes à s’effaroucher. Le fait en lui-même n’a rien de mystérieux, et il est entouré de toutes les garanties de loyauté que nous avons vu mettre en œuvre pour les engagemens ordinaires. Bien des personnes, ignorant le fonctionnement du mont-de-piété, ne sachant pas que la discrétion y est considérée comme un devoir professionnel, craignant, — on ne sait pourquoi, — que leur nom ne soit divulgué, redoutant peut-être surtout d’avoir à faire queue aux guichets, s’adressent directement au chef même de l’administration et lui confient