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arts, lui, le discoureur aimable et d’un esprit si cultivé que M. Cousin voulait toujours le porter à l’Académie pour ses notices et ses rapports. La harangue ayant pris fin, est venue la cantate couronnée, une Calypso s’il vous plaît! Le sage Mentor, le pieux Télémaque et sa nymphe, comment faire aujourd’hui pour aborder de pareils personnages avec les égards dus à leur majesté? Après tant de grotesques travestissemens, de cascades, il faudrait en vérité, pour reconquérir son sérieux vis-à-vis de l’antique, se trouver devant la Noce aldobrandine, ou devant l’Orphée et Eurydice de la villa Albani. La cantate, estimable à divers points, de M. Salvayre, loin de tendre à la réaction, semblerait plutôt abonder dans le courant. Son Télémaque, comme son Mentor et sa Calypso, ne nous inspirent que le plus affligeant scepticisme; vous éprouvez à leur endroit cet impardonnable sentiment d’irrévérence que vous causent, chaque fois que vous passez devant le nouvel Opéra, tous ces Phébus et tous ces Pégase de zinc installés et groupés sur l’espèce de cimier impérial dont le monument se couronne. Ce qu’on peut dire de cette musique, c’est qu’elle est l’œuvre d’un normalien accompli. M. Salvayre sait son affaire; ses fugues sont bien manœuvrées, ses airs et ses duos coupés, écrits selon la règle, il ne lui manque plus maintenant que des idées et du style, choses qui doivent se trouver à Rome dans la villa Médicis, et qu’il nous en rapportera. La cavatine que chante Calypso, la nymphe éplorée et déplorable, est un morceau brillant, instrumenté avec art, mais dont le trait principal rappelle un motif de Zampa, ce qui n’est peut-être point absolument dans la couleur du sujet.

Nous ne quitterons pas l’Institut sans dire un mot des nombreuses candidatures qui s’agitent autour du fauteuil laissé vacant par la mort de Carafa. La section musicale, qui, lorsqu’elle est au complet, compte six membres, se trouve donc en ce moment réduite à cinq, MM. Thomas, Gounod, Reber, David et Victor Massé, ce qui nous constitue un personnel au demeurant très sortable, et dont un pays peut encore se faire honneur après avoir perdu ses Cherubini, ses Boïeldieu et ses Auber. Il s’agit, pour l’illustre compagnie, de bien ménager le peu de prestige qui lui reste et de beaucoup réfléchir à cette occasion. Quant à nous, en parcourant la liste des noms mis en avant, nous nous sommes demandé s’il ne vaudrait pas mieux renvoyer aux calendes grecques toute décision. Parmi ces candidatures, celles qui nous seraient sympathiques nous semblent prématurées, et nous en voyons d’autres, prises, nous dit-on, en considération par quelques membres, mais dont le triomphe découragerait l’opinion publique. On n’arrive point à l’Institut par l’ancienneté et pour avoir instrumenté des vaudevilles. Le mieux serait alors de surseoir, de laisser faire le temps et grandir nos épigones. Les statuts académiques ont d’ailleurs prévu la circonstance; de six mois en six mois, on peut différer. Jetons un coup d’œil sur le passé,