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REVUE. — CHRONIQUE.

s’il craignait de rester un instant de plus à Rome. Que s’est-il donc passé ? Pourquoi M. de Bourgoing a-t-il donné sa démission ? Y a-t-il eu quelque changement soudain dans la nature de sa mission ? Nullement, rien n’a été changé ; mais il paraît que nos diplomates ont encore du temps à dépenser dans les affaires d’étiquette et de susceptibilité. Il paraît que M. de Bourgoing n’admettait pas que les officiers d’un bâtiment français stationné à Civita-Vecchia dussent aller faire leur visite au roi Victor-Emmanuel pour le jour de l’an. Peut-être aussi ce dernier fait n’était-il que la suite ou le couronnement d’une série de conflits intimes. Sans doute, la situation est toujours assez compliquée et délicate à Rome : elle l’est pour les Italiens eux-mêmes, qui ont à concilier deux intérêts différens ; elle l’est aussi pour la diplomatie étrangère accréditée auprès de ces deux intérêts, ou, pour mieux dire, auprès du souverain pontife et du roi Victor-Emmanuel. En définitive cependant, la difficulté n’est qu’apparente ; elle ne peut être sérieuse, puisqu’il est bien clair que les deux agens envoyés par un même gouvernement à Rome, auprès du pape et auprès du roi, ne sont pas là pour représenter deux politiques différentes ; ils ne représentent qu’une seule et même politique.

Le jour où la France a reconnu ce qui s’est accompli en Italie, et particulièrement à Rome, la question a été résolue. Depuis ce moment, l’ambassadeur auprès du pape n’est plus qu’une sorte de plénipotentiaire d’honneur, le représentant d’une pensée de déférence et de respect pour le chef de la religion catholique. La vraie représentation politique est passée tout entière à la légation accréditée auprès du souverain qui règne à Rome comme dans toutes les autres parties de l’Italie. Concilier les difficultés qui résultent de cette situation complexe, c’est une affaire de tact entre des agens qui ne sont certainement pas nommés pour élever des conflits d’attributions ou de prérogatives. L’erreur ou le malheur de M. de Bourgoing, c’est d’avoir fait quelque confusion, de s’être laissé aller à représenter moins la politique du gouvernement qui l’a envoyé que la politique de ceux qui sont perpétuellement occupés à contester l’existence nationale italienne, à combattre ce qu’ils appellent l’usurpation italienne à Rome. Il n’était pas là pour jouer ce rôle, et ce qui vient d’arriver doit tenir le gouvernement en garde contre le danger d’envoyer des hommes qui, faute de connaître ce monde romain, ou parce qu’ils se font une idée exagérée de leur mission, parce qu’ils se croient les délégués d’une croyance religieuse, finissent invariablement et inévitablement par créer des difficultés, — oui, des difficultés à Rome et aussi des difficultés à Versailles, où les cléricaux de l’assemblée qui font de la politique avec leurs passions religieuses ne manqueront pas peut-être de saisir le prétexte de la démission de M. de Bourgoing. Ils feront du bruit, ils essaieront de soulever les passions religieuses de l’assemblée,